Dave Cooper, auteur de l’incroyable Ripple, a (enfin) replongé dans les comics

Le style «weird» du Canadien Dave Cooper.
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L’auteur culte et canadien était à Angoulême pour une bonne nouvelle –la réédition définitive de son introuvable Ripple– et une très bonne nouvelle –après des années sans y toucher, Dave Cooper se remet au comics, toujours «weird».

Il est de ces auteurs qu’on aime qualifier de culte parce qu’ils sont rares, parce que leur travail échappe pour l’essentiel par leur radicalité ou leur étrangeté au grand public, et parce que leurs œuvres marquent a contrario, et profondément, beaucoup d’autres auteurs. Dave Cooper est d’évidence de ceux-là: quinze ans que plus rien ou presque n’est sorti en français (Pip et Norton, c’était en 2010), au moins autant qu’il a (avait!) laissé tomber la bande dessinée, en laissant derrière lui quelques œuvres très marquantes, dont ce Ripple paru pour la première fois en 2005 au Seuil, et très vite introuvable. Un roman graphique de référence pour tout amateur de BD (très) alternative et anglo-saxonne (ne dites pas à ce Canadien qu’il fait du comics US!), tant il a ouvert avec ce récit d’un dessinateur sous l’emprise de son modèle, un champ d’exploration graphique, intime et volontiers malsain dans le comics pour adultes (très) avertis (voir ci-après). Une œuvre qui n’a pas pris une ride, et que les pointues éditions Huber rééditent enfin aujourd’hui, dans un grand format cartonné qui lui redonne toute sa place dans le roman graphique contemporain. Et ça tombe bien: après plus de quinze ans de disette et de refus, Dave Cooper a replongé. Son nouvel album, Dog Head, devrait paraître l’année prochaine en français. Et semble avoir, à l’entendre, des petits airs de Weasel, sa série de comics édités au début de ce siècle et cette fois complètement cultes, composés de projets très différents, et dont Ripple fut issu.

«Je ne voulais plus faire de comics! Je ne voulais plus! J’avais trop souffert!», explique, dans un rire, Dave Cooper, barbe fournie, gros bras et œil joyeux. Un homme  qui ne ressemble donc pas, du tout, à l’image qu’on s’en fait en lisant ses récits torturés, sexuels et toxiques, jouant à fond les atmosphères malsaines –on l’imaginait pour tout dire tout fin, à demi chauve et un peu maladif comme peut l’être son compatriote Chester Brown,  une de ses références. «Je n’étais plus intéressé par l’écriture, j’avais tout arrêté pour travailler dans l’animation, l’illustration, les productions audiovisuelles et évidemment la peinture. Ripple fut aussi une des raisons de cet arrêt: je ne me voyais pas faire mieux, c’était de très loin mon meilleur boulot, et je ne voulais pas me répéter. Mais quand même, quand des idées me venaient, je les notais. Je commençais à trouver l’animation un peu stérile, j’avais l’impression d’y rétrécir… Et je me suis rendu compte il y a trois ou quatre ans que toutes ces notes, ça faisait beaucoup de matériel. Et là, pour la première fois peut-être, je prends beaucoup de plaisir!»

«La bande dessinée est le seul medium qui me permet d’explorer et d’exorciser ma part la plus sombre.»

La BD, un bouton à percer

Si on associe l’univers et la nationalité de Dave Cooper à ceux d’une Julie Doucet ou d’un Chester Brown, avant de citer Joe Matt, Tomi Ungerer, Daniel Clowes ou le sacro-saint Crumb dans sa famille graphique, l’œuvre torturée de Dave Cooper jouit surtout d’une grande singularité: cet auteur-là s’est fait tout seul très tôt, avant même de découvrir presque sur le tard ces collègues-là. Un pur autodidacte, fou de dessin, qui se met à 13 ans à bosser pour un petit éditeur local (et dont il racontera, bien plus tard, les agressions sexuelles dont il y fut victime) avant, très vite, de produire ses propres comics «vraiment très, très, très mauvais!» entre deux commandes de l’éditeur Dark Horse avec, entre autres, Dan et Larry

« Mais c’est avec Chester Brown, et d’autres comme Lynch ou Cronenberg (NDLR: le cinéaste, qui préface Ripple) que j’ai soudain compris ce que j’avais à offrir, parce que j’avais ces exemples.» Naît alors Weasel et au sein de celui-ci, ce Ripple toujours aussi moite et vénéneux. «Je ne ressemble pas à mes BD parce que nous utilisons tous des masques. Et la bande dessinée est vraiment le seul medium qui me permet d’explorer et d’exorciser ma part la plus sombre. J’aime dire que je pratique l’art comme mon père médecin pratiquait la médecine. Les plaies purulentes, les morsures, les boutons remplis de pus, il faut les saisir, les percer et faire jaillir le pus! Après, seulement, on peut désinfecter ses plaies (rires).»

Reste à voir si sa main, en 20 ans, a changé: «Je crois que je suis devenu encore plus perfectionniste, peut-être plus… raffiné? J’ai appris beaucoup, techniquement, avec l’animation. Mais la bande dessinée, c’est tellement différent de tout le reste, le seul art que je pratique qui passe d’abord par l’écriture. Une illustration, c’est comme un snapshot, l’image de quelque chose ou de quelqu’un dont vous ne savez rien et dont vous ne saurez jamais rien. Dans une BD, c’est tout le contraire! J’ai besoin de connaître les intentions et toutes les back stories de tous mes personnages. En tout cas, je crois que mes histoires restent really weirds

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