Bye les gros éditeurs: notre sélection de pépites autoéditées
Pour échapper à la froideur ou à la lourdeur des gros éditeurs, certains auteurs et certaines autrices choisissent la voie de l’autoédition. Souvent en collectif. Voici quelques pépites autoéditées à savourer.
Wah Wah #4
De Charles Berberian and guests (éditions Exemplaire)
Bonne nouvelle: le Charles Berberian de Dupuy-Berberian vient d’éditer et de financer le quatrième numéro de son “comics de bord trimestriel”. On peut y lire l’histoire d’Alba, qui enseigne le français à des migrants, une bio de la designeuse Charlotte Perriand et son travail pour Air France, le destin de Kadhafi, un hommage à Wes Anderson, le Regain de Giono revisité en dessins et un récit du tout jeune auteur Colin Atthar, avant son premier album. Juste beau.
Cosmicomix #8
De Florian Huet (La Poinçonneuse)
Édité par sa propre “micro-toute-petite maison d’édition”, voilà le huitième chapitre de Cosmicomix baptisé Larvae, qui “marque la moitié de l’histoire et la conclusion d’un premier mouvement” de son inclassable récit SF, pour lequel il change de traitement graphique à chaque chapitre. Victoria Koto y attrape la lèpre mentale, maladie qui lui “balance des fragments de vies lointaines, des images de temps inconnus qui grignotent pas à pas ses perceptions et sa conscience”. Et ce, alors que la “Civilisation du Temps” prend possession de la région et y détruit les structures collectives.
La Gazette du feu rouge
Jean Bourguignon, aka JBGG, est un vieux routard du fanzine bruxellois, avec un pied dans de multiples aventures collectives (dont La Gazette du Rock ou Egoscopic) et l’autre dans une tripotée de productions personnelles, de Fondu à La Science infuse. Il innove depuis un an avec sa Gazette du feu rouge, “feuille d’infos intéressantes réservée aux piétons devant patienter plutôt que de prendre le risque de se faire écrabouiller”, que l’on peut lire exclusivement sur les feux rouges qui croisent ses chemins de promenade. Des “collectors” que l’on s’arrache littéralement.
Le Petit Pangolin illustré #35
Collectif (La Petite Fanzinothèque)
La fin de la pandémie n’aura pas eu raison de ce journal, né avec le confinement. La Petite Fanzinothèque belge continue d’en produire un par mois et de les envoyer à ses 250 abonnés. Soit deux feuilles A3 pliées en accordéon, composées “essentiellement de dessins, doux, joyeux, poétiques, des impressions du moment, parfois ironiques, des gentils coups de gueule…” Un journal “tendre et intelligent” qui mêle jeunes créateurs, guests (Jimmy Beaulieu, Marc Hardy, Charlie Degotte) et “dinosaures du fanzine” (Edmond Baudoin, Lolmède, Fifi, JBGG, Jampur Fraize, Chanic…).
Exemplaire Exemplaire
Depuis deux ans, Lisa Mandel rebat les cartes de l’autoédition devenue collective avec Exemplaire, structure forte aujourd’hui de 25 albums.
Lisa Mandel la cheffe d’entreprise est un peu moins rigolote que Lisa Mandel l’autrice, mais leur success story vont de pair. Il y a deux ans exactement, Lisa lançait, avec un ami ingénieur informaticien, les éditions Exemplaire, d’abord pour éditer, fabriquer et distribuer son propre album, Une année exemplaire -“que j’avais tiré à 3 000 exemplaires, mais que j’ai du ré-imprimer trois fois”-, puis très vite pour en éditer beaucoup d’autres selon un “business model” qui s’avère imparable, mêlant crowdfunding, autogestion et followers, et mû par un seul objectif: “améliorer la situation des auteurs”. “C’est un pansement sur une plaie béante, un cache-misère, mais ça fonctionne. Sur tous les albums qu’on a sortis, tous les auteurs ont bien gagné leur vie, en tout cas mieux qu’ailleurs. Mais c’est aussi un système qui ne convient pas à tout le monde”.
Exemplaire, “la maison qui édite autrement, pour une plus grosse part du camembert”, a créé sa propre plateforme interne de crowdfunding (“on ne doit donc pas verser 8% des fonds à celle-ci comme ailleurs”), sur laquelle un auteur possédant déjà une forte communauté de suiveurs va faire tout le boulot d’offres et de communication, mais peut aussi, dans le même temps, profiter s’il le souhaite d’un éditeur qui accompagne son projet, ainsi que d’une équipe de graphistes, traducteurs ou maquettistes pour assurer l’impression et la finalisation de son album. “Et tout le monde, à tous les échelons, est payé au pourcentage. Il n’y a aucun commercial dans la structure, mais on peut aussi s’appuyer sur une distribution physique, après financement, développée en osmose avec ma sœur, ce qui permet de vendre le livre deux à trois fois plus que sur la plateforme, même si c’est là que l’auteur peut toucher le plus, aux environs de 20% de droits d’auteur, en fonction du nombre d’intervenants. On demande en outre les droits d’édition pour une période de deux ans seulement, et aucun droit dérivé, même en droits étrangers. Le genre de contrat que je veux qu’on me fasse signer en tant qu’autrice!”
Et ça marche: tous les livres proposés, sans exception, ont été financés. “On demande la plupart du temps un financement autour des 10 000 euros, on obtient souvent plus, mais il en faut 12 000 pour que l’auteur commence à se rétribuer correctement. Avec une base modeste de 1 000 acheteurs, tu as déjà une bonne avance. Avec 3 000 exemplaires vendus, tu commences à gagner vraiment de l’argent.” Raison pour laquelle “ce système ne convient pas à tous”, poursuit Lisa: “Comme toute maison d’édition, on doit souvent faire le choix de la raison: le standard de notre comité de lecture, c’est la faisabilité du projet, et son professionnalisme. Il faut donc que l’auteur qui va publier chez nous ait déjà une certaine notoriété sur les réseaux, notamment Instagram.” Une condition préalable qui façonne indirectement l’offre: “De l’humour, une approche feuilletonesque, beaucoup d’autobio, des fictions en roue libre, des mécaniques souvent semblables…” Aux nouveaux auteurs de se jouer de ces nouveaux standards.
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