Unknown References, le label électro pour kids équipés de boombox double-decks

© via www.facebook.com/unknownreferences
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Voici venu le temps du dernier épisode de notre série sur l’underground musical local, qui marqua une collaboration avec PointCulture à l’occasion du lancement de l’application Belgium Underground. Label électronique apparu en 2013, Unknown References a la particularité de combiner sorties digitales et… cassettes. Autant dire que voilà des purs et durs, fétichistes, assez punks dans l’esprit, mais aussi descendants d’une longue tradition et, nonobstant tout cela, pourtant pas dénués d’avenir.

C’est en 2013, à Ixelles, que Martin Botte, encore étudiant à l’ERG, fonde Unknown References, label qui est aussi une maison d’édition. Martin, qui réside aujourd’hui à Namur, s’explique: « J’avais autour de moi une bande de potes qui produisaient de la musique de manière assez dingue, mais qui n’avaient pas le courage de se promouvoir eux-mêmes. Sans eux, le label n’existerait pas. Ils m’ont donné la force de me lancer et ils avaient du matos tout prêt à être sorti et/ou l’envie de se lancer avec moi. J’ai donc décidé d’éditer leur musique et aussi de les promouvoir. C’est certes à petite échelle, mais de toute façon plus efficace que s’ils étaient restés cantonnés à une unique diffusion sur Bandcamp. »

Cela ne s’invente pas, Martin est mon ancien voisin. Avec sa copine, ils habitaient au rez-de-chaussée. Avec la mienne, nous habitions au second. Entre les deux, il y avait une Française très bruyante, qui passait d’abominables musiques balkaniques et de la chanson chouineuse à fond la caisse. C’est peut-être pour ça, parce que son potin de teuhpu couvrait tout autre boucan potentiel, que je ne me suis rendu compte que « les petits djeunz du rez-de-chaussée » étaient « dans la musique électronique » que lorsqu’ils ont commencé à nous inviter à des soirées (auxquelles nous n’allions pas, haha) et que nos amis de Thin Consolation/Unrezt les saluaient en terrasse ou dans l’escalier. Martin Botte: « Ce sont des gens avec qui on partage un certain intérêt pour une certaine musique et dont la proactivité (soirées, sorties, etc.) m’avait bien inspiré lors de mon arrivée à Bruxelles en 2009. Nos rapports sont principalement amicaux, même si nous nous sommes déjà associé le temps d’events autour de l’artiste LBNHRX, qui a sorti des choses chez eux et d’autres chez nous. Par contre, je considère vraiment Le Pacifique comme un label « frère », même s’il est un peu plus âgé qu’Unref. Antoine et moi nous sommes connus à l’ERG et avons de suite accroché par nos boulots autour de nos labels respectifs. On a commencé par conjointement organiser un ou deux petits events après la sortie de sa cassette sous le nom d’Actapulgite et les choses ont commencé à prendre plus d’ampleur fin 2015. »

Chroniques du post-dancefloor

Ici, celui qui n’a aucune idée de quoi on parle est déjà perdu depuis longtemps et on ne va rien faire pour le rattraper. Qui situe ne fut-ce qu’un tout petit peu LBNHRX (Le Bien-Heureux, donc) et Unrezt/Thin Consolation se doute bien, par contre, qu’Unknown References et Le Pacifique sont donc les petits derniers d’une grande filière « post-dancefloor » de la musique électronique. Malgré le nom choisi par Martin, c’est un secteur aux références connues: jadis, des labels comme Warp et Rephlex et des artistes comme Autechre, Squarepusher et Aphex Twin ont en effet ouvert la voie d’une approche plus geek et domestique, « post-dancefloor » donc, de la musique électronique « de loisirs ». En Belgique, des structures comme Elf Cut, Weme, Thin Consolation et Vlek s’en sont inspiré, avant de transcender leurs influences les plus évidentes. Au moment de se lancer, bien que clairement représentant d’une sorte de troisième génération de cette approche, Martin Botte n’avait toutefois pas vraiment de modèle particulier pour Unknown References. « Dans le futur, promet-il, le catalogue risque de brasser large. Je la joue au feeling, je bosse avec des gens qui me plaisent et peu importe ce qu’ils font. Donc, peut-être bien que ce label n’aura jamais d’identité musicale définie. Je n’aime pas le name-dropping inutile mais j’ai une liste franchement interminable de labels/artistes qui m’inspirent. Disons que lors de la création d’Unref, des labels qui alliaient musique dancefloor lo-fi et noise/indus/ambient comme L.I.E.S, Apron Records, Proibito ou Berceuse Heroïque m’ont pas mal inspiré de par leur catalogue assez large et « décomplexé ». Opal Tapes rentre également en compte pour son joli catalogue cassettes. Vu leur petite notoriété, cela m’a convaincu que la tape n’était pas totalement morte et qu’il n’était donc pas totalement dingue de créer un label digital-cassettes en 2013. »

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La grande particularité d’Unknown References est en effet de proposer, dès qu’on en vient à l’objet physique, non pas des vinyles (ce qui viendra peut-être plus tard) mais bien des cassettes. Ce n’est certes pas tout neuf dans l’underground, les labels « cassettes only » faisant même partie d’une longue tradition, mais c’est évidemment beaucoup plus rare dans le monde « électro », où le vinyle reste l’objet de toutes les fascinations, de tous les fétichismes, et où la cassette a par ailleurs désormais encore moins de réalité pratique qu’un minidisc ou un DAT. « Initialement, nous explique Martin, j’ai sorti les cassettes pour deux raisons. D’abord, je n’avais pas envie de faire un label tout-digital et pas les thunes pour éditer chaque projet en vinyle. Le CD étant un support peu excitant, il me restait la tape pour diffuser physiquement nos releases et finalement, beaucoup de gens les achètent pour avoir l’objet et téléchargent les morceaux pour l’écoute. Par ailleurs, nos trois premières releases se prêtaient plutôt bien au support cassettes, les morceaux étant longs, à écouter d’une traite pendant un quart d’heure, vingt minutes. Ce n’est pas le cas de ce qui vient, qui tient plus de l’EP classique, mais pour rien au monde je ne voudrais me séparer de la cassette, car je persiste à croire en l’objet même à l’ère du tout-numérique. »

Déranger le système en place

Fétichiste, post-dancefloor, underground quasi par conviction, Unknown References n’en oublie heureusement pas de ne pas se prendre au sérieux et sous ses geekeries, bouillonne même un gros esprit sinon punk, du moins bien fuck off. « J’achète beaucoup de house et j’en passe quand je pousse le disque lors de nos soirées, rigole Martin, mais je n’ai jamais été un gros clubber et je ne suis d’ailleurs pas hyper fan des clubbers hardcore. Mon souci, c’est que malgré mon amour inconditionnel pour la musique, je n’aime pas la prendre au sérieux. Et donc, la techno hyper sérieuse et dénuée de sentiments ne me touche pas du tout, parce que j’aime surtout me marrer quand j’écoute quelque chose. Si « notre » électro est « post-dancefloor », c’est à la fois parce qu’on essaie de se positionner contre les « nazis » du dancefloor mais aussi parce que cette même musique nous inspire à la pousser plus loin… ou ailleurs. Si tu prends le catalogue, Wan Voager fait en gros du post-rock/ambient/drone mais LBNHRX qui vient du breakcore et adore la techno et Antoine, alias Actapulgite, a en fait une approche bien à lui de la musique dancefloor. Même si les gros kifs électroniques d’Antoine remontent à des types comme Nathan Fake, il conserve un côté punk enfoui en lui. Dit un peu bêtement: le système en place, il aime le déranger. Maintenant, je ne suis pas contre le fait d’un jour publier quelque chose de réellement dancefloor, tant que ça n’est pas « servi » comme un gros banger de club uniquement destiné à faire danser les kids sous MDMA. » Plutôt les kids équipés de boombox vintage double-decks, sans aucun doute…

Belgium Underground, la nouvelle application de PointCulture, est disponible sur iOS et Android. Infos et téléchargement: www.belgium-underground.be

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