Une Mostra aux accents sud-américains: le palmarès commenté

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Lion d’or à Desde Alla, du Vénézuélien Lorenzo Vigas; Lion d’argent du meilleur réalisateur à l’Argentin Pablo Trapero pour El Clan: présidé par le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, le jury de la 72e Mostra de Venise a salué la vitalité du cinéma sud-américain.

Les pronostics qui donnaient l’exceptionnel Francofonia, d’Alexandre Sokourov (déjà couronné en 2011 pour Faust, il est vrai), voire le remarquable Rabin, the Last Day, d’Amos Gitaï, largement favoris, ont été déjoués.

Inscrit dans le réel de Caracas, Desde Alla explore la relation se nouant entre Armando, un prothésiste dentaire dans la quarantaine (l’incroyable Alfredo Castro, acteur-fétiche de Pablo Larrain), et Elder, un adolescent des rues violent (Luis Silva, une révélation). Lorenzo Vigas en tire un premier film âpre et cru, histoire de solitude et de désir hantée par la figure du père absent. Une oeuvre singulière et prometteuse, certes, mais que l’on n’imaginait guère couronnée d’un Lion d’or. La suite du palmarès est plus conforme aux attentes: avec El Clan, Pablo Trapero confirme ainsi tout le bien que l’on pensait de Leonera et Carancho, signant un film d’un noir d’encre où il retrace, aux premiers jours de la démocratie argentine, l’histoire d’une famille d’apparence banale spécialisée dans les kidnappings – en quelque prolongement de l’horreur ayant eu cours sous la dictature. Le tout, porté par une mise en scène alerte et tendue; assurément l’un des grands moments de cette Mostra. Grand Prix du jury, Anomalisa, de Charlie Kaufman et Duke Johnson, compte aussi parmi les films ayant marqué les esprits. Pour sa première incursion dans l’univers de l’animation, le scénariste de Adaptation et autre Being John Malkovich s’insinue dans l’esprit d’un homme à la vie (de famille) dépassionnée, individu quelconque rencontrant, lors d’un voyage professionnel, une jeune femme dont la voix le subjugue… L’occasion d’une plongée kaufmanienne au coeur de la solitude et de la dépression, à laquelle l’animation en stop-motion donne des contours aussi étranges qu’inspirés.

Excellente surprise de cette Mostra, L’Hermine, de Christian Vincent, repart de son côté avec deux prix, celui du scénario et celui du meilleur acteur pour Fabrice Luchini, parfait dans le rôle d’un président de cour d’assises aigri, se découvrant plus humain au contact d’un ancien amour, jurée dans un procès pour homicide. Vingt-neuf ans après Storia d’amore, de Francesco Maselli, Valeria Golino est pour sa part à nouveau récompensée pour son rôle de mère-courage dans Per Amor Vostro, de Giuseppe Gaudino, fantaisie napolitaine venue rendre quelques couleurs au cinéma transalpin. Enfin, le prix du meilleur jeune acteur va, fort logiquement, à Abraham Attah, extraordinaire en enfant-soldat dans Beasts of no Nation, film de Cary Fukunaga qui aura valu à cette Mostra des parfums d’Apocalypse Now

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