Critique

Under the Hawthorn Tree

MÉLODRAME | Zhang Yimou signe un mélo quelque peu désincarné sur fond (lointain) de révolution culturelle, bien loin des audaces et des fulgurances de ses premiers films.

UNDER THE HAWTHORN TREE, MÉLODRAME DE ZHANG YIMOU. AVEC ZHOU DONGYU, SHAWN DOU, XI MEIJUAN. 1H54. SORTIE: 04/04. **

La période où se déroule Under The Hawthorn Tree est celle dite de la Révolution culturelle. Commencée en 1966, cette dernière devait s’achever avec la mort du leader historique Mao Zedong, dix ans plus tard. Mais c’est entre 1966 et 1969 que se firent principalement et le plus durement sentir les effets de cette politique visant à purger le Parti (unique) communiste chinois de ses éléments « révisionnistes » ou « droitiers ». La jeunesse fut appelée à en être le fer de lance, le Petit Livre rouge à la main. La destruction des vestiges de la culture ancienne fut au menu, tout comme l’envoi des intellectuels et des étudiants en « rééducation » dans le milieu rural, jugé « pur » et exemplaire. Agé de quinze ans au début de la Révolution culturelle, Zhang Yimou fut contraint d’abandonner ses études pour aller travailler durant trois ans dans une ferme, puis sept ans dans un atelier de tissage… On pourrait imaginer dès lors que le cinéaste aurait un point de vue politique, historique au moins, sur le cadre où s’inscrit son nouveau film. Ce n’est hélas pas le cas, Zhang confirmant le désinvestissement idéologique, voire philosophique, d’un artiste qui sut oser et déranger à ses débuts, mais qui est devenu depuis un notable installé, prisé du régime qui lui confie des commandes d’Etat (il fut chargé notamment de mettre en scène la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Beijing… en remplacement d’un Steven Spielberg qui s’était retiré pour la cause des Droits de l’Homme).

Un impossible amour

L’héroïne du film s’appelle Jing. Lycéenne à la ville, elle est envoyée à la campagne pour y travailler dans les champs et subir une « rééducation » que « justifient » non seulement sa vocation intellectuelle (elle étudie pour devenir elle-même professeur, comme sa mère), mais aussi la détention de son père pour « droitisme », qui vaut déjà à sa mère une interdiction d’exercer. Dans la région montagneuse où elle a été expédiée, Jing fera la connaissance de Sun, un garçon plus âgé auquel un contexte familial sans « tache » offre au contraire certains privilèges. Amoureux de Jing, dont les sentiments lui répondent très vite, il va en profiter pour l’aider, manifestant à la jeune fille une dévotion qui n’en rend pas moins leur amour condamné à la clandestinité. Car la mise à l’épreuve de Jing, revenue dans son lycée puis acceptée à l’essai pour un poste d’enseignante, l’empêche de commettre le moindre écart, fut-il inspiré par l’amour…

On songe à ce qu’aurait pu faire, de pareil sujet, le Zhang Yimou des débuts, celui du Sorgho rouge (1987) et de Judou (1989), celui qui ne craignait ni les audaces ni la sensualité. Dans la chronique d’un amour impossible, rattrapé par une fatalité médicale qu’on ne dévoilera point ici, son adaptation du roman d’Ai Mi affiche certes une forme soignée. L’interprétation de la jeune Zhou Dongyu est par ailleurs tout ce qu’il y a de plus gracieux. Mais l’ensemble ne crée paradoxalement pas cette émotion profonde et déchirante qu’un Mikio Naruse -le grand réalisateur de mélodrames japonais- savait par exemple si bien inscrire dans la chair de ses films.

Louis Danvers

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