Critique

Sherlock, fais-moi peur!

Sherlock Holmes: The Devil's Daughter © BigBen Interactive
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Se sirotant comme une gentille série télé, le jeu d’aventure victorien s’éloigne de l’oeuvre de Conan Doyle sans la trahir.

Tournant discrètement depuis quatorze ans, la saga des Sherlock Holmes de Frogwares avait entamé sa carrière au fil de productions modestes, pour ne pas dire low cost. Le détective de Baker Street a aujourd’hui clairement quitté ces bas-fonds techniques pour déployer une réalisation plus ambitieuse que jamais sur The Devil’s Daughter. Signe des temps, la version française de ce jeu d’aventure et de réflexion se pare ainsi des mêmes doublages que ceux de la série télévisée diffusée sur la BBC One. Une ascension technique élémentaire?

La série des Sherlock Holmes est un oiseau rare dans le petit monde des enquêtes gaming. Gardant en vie des ressorts ludiques aujourd’hui disparus, cette dernière doit probablement plus son succès aux fans du détective qu’à son emploi de la 3D dans un jeu d’aventure. The Devil’s Daughter, trip victorien long d’une dizaine d’heures, prend d’ailleurs des risques chez ses fidèles. Holmes et Watson s’éloignent ainsi de la vision de Conan Doyle et rajeunissent de la soixantaine vers la trentaine. Ce jeunisme n’abrutit pas pour autant les cinq enquêtes de la production ukrainienne. Laminé par le retour de pensionnat de sa fille adoptive (à qui il cache ce secret), le séminal enquêteur voit ainsi sa paternité mise à rude épreuve. Son esprit rationnel aussi.

Watson es-tu là?

Malgré une modélisation des visages un peu datée, cette plongée entre haute bourgeoise et crève-la-faim du XIXe siècle se vit sans déplaisir, à la manière d’un téléfilm. S’ouvrant sur la disparition du père d’un garçon abandonné, le titre ne creuse toutefois pas tous les profils de ses protagonistes avec talent. En particulier Watson, relégué au rang de simple faire-valoir dans lequel le gamer s’identifiera. Ou pas.

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Mais la production très linéaire voire autoritaire soigne sa forme. Prendre un suspect en filature en se cachant dans le décor. Crocheter des serrures. Garder son équilibre sur une poutre haut perchée. De nombreux mini-jeux d’arcade très variés -à défaut d’être palpitants- dansent entre deux phases d’exploration. Du reste, The Devil’s Daughter se résume à une énorme partie de pêche aux indices et à des déductions.

Plus facile en vue à la première personne plutôt qu’à la troisième, cette chasse au détail se traduit par l’observation minutieuse de ses interlocuteurs avant un dialogue. Des yeux rouges, une couverture sur les genoux et un costume rapiécé sont autant d’indices débloquant de nouvelles questions à même de faire avancer l’enquête.

Beaucoup plus classique, l’examen minutieux d’une scène de crime se double d’un pouvoir spécial affichant des petits objets invisibles à l’oeil nu. Le tour de passe-passe qui permet par exemple de trouver une lettre planquée dans un veston abandonné pimente gentiment cette chasse à l’objet. Dommage toutefois que le titre soit aussi psychorigide. Avoir toutes les clefs en mains mais ne pas pouvoir poursuivre l’enquête pour avoir manqué l’arrière d’un prospectus couvert de colle: le diable est dans le détail chez Frogwares.

ÉDITÉ PAR BIGBEN INTERACTIVE ET DÉVELOPPÉ PAR FROGWARES, ÂGE: 16+, DISPONIBLE SUR PC, PLAYSTATION 4 ET XBOX ONE.

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