Netflix bouscule le marché des séries télé

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Maxime Delcourt
Maxime Delcourt Journaliste

En lançant House of Cards, une série politique réalisée par David Fincher, Netflix, poids lourd américain de la VOD, bouscule le marché de l’audiovisuel US. Explications.

Posons crûment la question: l’avenir des séries passera-t-il par Internet? Jusqu’ici, cette interrogation paraissait vaine. Mais cette rentrée 2013 prouve au contraire que, loin d’être un support réservé aux oeuvres sympathiques mais mineures, le Web peut désormais être un acteur crédible de l’industrie du divertissement. Une avancée dont témoigne House Of Cards, une série réalisée par l’un des plus inventifs cinéastes d’Hollywood, David Fincher (Seven, Fight Club).

Attendue par beaucoup, cette fiction, écrite par Beau Willimon et adaptée d’une mini-série britannique du débutdes années 90, raconte l’ascension d’un politicien (incarné par l’excellent Kevin Spacey) prêt à tout pour arriver au sommet de l’Etat. Mais l’intérêt est ailleurs: produite et diffusée par Netflix à partir du 1er février, House Of Cards est une boule de bowling lancée dans le jeu de quilles de l’industrie américaine.

Rembobinons pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de ce pilier américain de la vidéo à la demande. Lors de son lancement en 1998, le site ne propose que la location par correspondance de cassettes vidéo et de DVD. Mais très vite, un système d’abonnement mensuel illimité est mis sur pied. On sent alors chez Netflix un besoin d’être en prise sur le monde, et même d’avoir prise sur lui. C’est ainsi qu’en 2008, la plate-forme popularise le streaming dans les foyers américains, d’abord sur PC, puis sur écrans TV. Des accords avec les studios (Paramount, MGM…) et les chaînes de télévision (bien que beaucoup d’entre elles, dont HBO et Starz, se soient depuis désistées) suivront et permettront à Netflix de proposer pour 7,99 dollars par mois un service illimité de streaming tous supports (TV, PC, iPad, etc.).

Provoquer l’avenir

En 2011, Netflix suscite l’adhésion enthousiaste des uns (majoritairement, les spectateurs) et la réprobation brutale des autres, notamment des chaînes et des producteursse sentant menacés par le succès du site et de sa nouvelle politique d’achat de contenus exclusifs. Fort de son succès, le site souhaite en effet désormais s’imposer comme créateur de productions originales. Alain Carrazé, directeur de 8 Art City (agence spécialisée dans la production de contenu éditorial relatif aux séries et fictions), confirme: « Comme tout diffuseur, Netflix ne peut se contenter de son catalogue et se doit donc de produire des créations originales. C’est la même politique que celle appliquée par les chaînes du câble il y a une vingtaine d’années. »

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Sans demander la permission, Netflix fait donc une apparition fulgurante dans le paysage télévisuel. Et c’est toute la tradition dominante des grandes chaînes américaines (Showtime et HBO en première ligne) qui en prend pourson grade: avec plus de 100 millions de dollars mis sur la table pour acquérir deux saisons de House Of Cards, la plateforme prouve qu’il est désormais possible de contourner les géants du câble. Mais pour Alain Carrazé, cela ne saurait se limiter à une question d’investissement: « L’arrivée de Netflix sur le terrain de la création audiovisuelle est une très bonne chose. Cela peut ouvrir la voie à des projets d’envergure et permettre l’existence d’autres types de fictions. » Et d’ajouter: « Il faut voir comment House Of Cards va être reçu, mais je pense que Netflix risque de s’imposer, à terme, comme un très bon créateur de contenu original. De toute manière, s’ils veulent concurrencer HBO ou AMC, ils n’ont pas vraiment le choix. La distribution ne suffit pas. »

Et si la frustration créative propre au Net (formats courts, budgets minimes, etc.) avait assez duré? Et si l’implantation de Netflix en Angleterre, en Europe du Nord et en Amérique du Sud n’était qu’un début? Netflix est peut-être l’antidote à l’uniformisation de l’industrie américaine. Mais bien malin qui pourrait dire sur quoi cette avancée va déboucher. Avec ses 26 millions d’abonnés aux Etats-Unis, le site a les cartes en main. Alain Carrazé, s’il se dit emballé, reste toutefois prudent: « Je pense qu’il est trop tôt pour dire si oui ou non Netflix parviendra à révolutionner l’univers des séries. Certes, cela amènera une politique éditoriale et des productions différentes, mais, comme dans toute maison de production il y aura aussi des contraintes. On le voit ces derniers temps avec AMC qui, après avoir prôné durant des années une politique d’auteur, semble avoir du mal à gérer ses scénaristes. Mais peut-être que Netflix aura une politique moins serrée, moins contraignante que ses concurrentes. » On aura sous peu le fin mot de l’histoire.

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