L’oeuvre de la semaine: « Les ruissellements du son »

stupa, 2018, Lyota Yagi, Galerie F Frachon Bruxelles © Tomohiro Ueshiba.
Guy Gilsoul Journaliste

Voir dans cet amoncellement de hauts parleurs une énième variation sur le thème du ready-made serait faire fausse route. Une autre voie sera de rejoindre Lyota Yagi (°1980) dans sa ville de Kyoto.

On pourrait y accompagner l’artiste le long du sentier des philosophes et gagner au pas lent du méditant l’un ou l’autre des temples anciens. Entendre aussi les murmures de la terre que couvre, sous les pins, le tapis de mousses fragiles du Kokedera, les bruissements des bambous de Sagano, les silences du cône de sable blanc posé à l’entrée du Ginkakuji non loin duquel on contournerait un espace de vide protégé par de fines cordelettes.

Dans un jardin de thé, il nous ferait entendre le ruissellement d’un filet d’eau entre les pierres arrondies par les millénaires et, en fin de journée, on rejoindrait les sous-sols high-tech de la cité impériale où, dans d’autres silences vont et viennent les métros, les hommes en costume noir et les femmes à la peau de talc.

Il nous dirait alors, mais alors seulement, le titre de l’oeuvre : « Stupa ». Et tout deviendrait clair. Depuis les hauts parleurs, nous suivrions dans l’espace qui les relie les uns aux autres, le ruissellement de sonorités frappées. Ce serait des gouttes d’eau qui suivraient une ligne invisible située au coeur de l’oeuvre comme les chakras de l’arbre de vie au centre des stupas bouddhistes. La musique serait à peine audible et de facture presque répétitive au point de forcer notre attention et de maintenir entre elle et nous, l’aura dont Walter Benjamin regrettait la disparition au XXe siècle de la reproductibilité.

Elle est aussi le fruit d’un savant et patient travail d’informaticien inscrivant ainsi la sculpture dans l’identité paradoxale de l’art japonais. On songe à la musique de Reich autant qu’aux moines bouddhistes. Ainsi s’impose l’oeuvre de cet artiste découvert comme d’autres tout aussi passionnants par Anne-Laure Chamboissier, la commissaire de l’exposition. Le stupa de Lyota Yagi, construit sur le double principe de l’addition et de modulations à la fois l’espace dans le son et le son dans l’espace.

Bruxelles, Galerie Félix Frachon. Le 26BY. 26 rue Saint Georges (1050). Jusqu’au 11 mai. Du jeudi au samedi de 12h à 18h. www.felixfrachon.com

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