Critique

L’oeuvre de la semaine: La nature insoumise

Légende : Patricia Kinard, Sans titre, 2022.
Guy Gilsoul Journaliste

Elle ne rêvait que d’être là, une fois encore. Elle en connait chacune des allées, chacun des sentiers, chaque vue proche ou lointaine.

Et chaque fois, tout est à découvrir et d’abord les couleurs. Différentes d’une semaine à l’autre, elles construisent entre elles, des musiques nouvelles, là plus légères, là plus symphoniques. Il y a les arbres fleurs, le jardin des roses, le parcours alpin, des infinies variétés de bleus, de roses, de verts en tapis auxquels le vent et la lumière qui les traversent nuancent encore l’apparence. Il y a, tout autour, des promeneurs émerveillés et des jardiniers accroupis, attentifs, les mains dans la terre. Puis, elle, Patricia Kinard qui, confie-t-elle « ressent là l’extraordinaire complexité des échanges entre tous ces vivants. » Elle pourrait citer Claude Monet qui, lui aussi, s’abreuvait à une nature jardinée mais le propos est différent. On songe plutôt à Franz Marc qui au début du XXe siècle, à force d’observer les animaux devenait lui-même la biche, le cheval ou le daim. Patricia Kinard s’identifie à ces êtres végétaux en un certain ordre assemblés tout en ressentant, dit-elle, « l’extrême fragilité de tous ces équilibres naturels ». Comme peut l’être l’équilibre précaire qui peu à peu et sans programme, naît des signes posés sur la toile : « Lorsque je peins, comme lorsque je suis dans le Jardin des Plantes, mon regard se pose partout, sans cesse ». Et tant pis pour les modes passagères si, elle choisit pour seuls outils, la brosse et le pinceau. Car, écrivait Maurice Maeterlinck (L’intelligence des fleurs, 1907), « La fleur donne à l’homme, un prodigieux exemple d’insoumission, de courage, de persévérance et d’ingéniosité. » L’oeuvre ne reproduit pas une vue mais produit une rêverie en jardinant les profondeurs, les échelles, les mélanges d’espèces. Est-ce un arbre mauve que l’on voit au second plan, une fois dépassées les vagabondes ? Un baobab du Zimbabwe, un acacia du Kenya ou le corymbe d’une achillée mille feuilles. Peut-être une touffe d’ageratum ? L’oeil se promène, entre dans un paysage qui pourrait n’être que le fragment d’un parterre. Les tiges et les feuilles se frottent à l’air passe. Derrière, d’autres herbacées se sont dressées alors que, au sol, une tache plus sombre, (menaçante ?) suggère la présence d’une mare, une terre engloutie. C’est alors que le noir d’un ciel s’impose par-dessus une haie de traits plus fins et de feuilles fragiles et joyeuses qui cherchent à refermer la scène. A l’éloigner. La nature gagne toujours. Belle et rebelle comme sur d’autres toiles de la peintre bruxelloise, les mimosas, les iris ou encore les sauvageonnes des buissons.

Dinant, Galerie Philippe Wéry. 55 rue Grande. Samedi de 10h30 à 18h et sur rdv 0473 650348 ou galeriewery@gmail.com

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