L’oeuvre de la semaine: La matière pour le dire

Porta Oberda, 1974 © Galerie Obadia Paris Bruxelles.
Guy Gilsoul Journaliste

Il a sept ans quand son père est arrêté par la milice franquiste et emmené dans un camp. Josep Grau Garriga (1929-2011) se souviendra toute sa vie de ce moment de 1936 dans l’Espagne ensanglantée : « L’art écrira-t-il, c’est découvrir ce qui existe et ne pas avoir peur ».

Pour lui, ce sera ne pas craindre le parti des modestes, des paysans et de la terre et le dire comme peintre, comme dessinateur et pourquoi pas, avec des chutes de laine, de la jute, du chanvre, des cordes qu’on va tisser, nouer, faire surgir du métier haute lisse, étendre sur les sols, pendre aux murs comme on le ferait d’un manteau lourd en y ajoutant, par coutures et faufilages, des vêtements et autres couvertures usées, déchirées et trouées. Souvent, une allusion aux symboles catalans en devient le point focal et parfois, comme chez Tapies, la présence de vieux sacs gonflés assurent la métaphore alors que l’intensité de la couleur, rouge, bleue ou noire, illumine jusqu’à éblouir, la présence brute et vivante des reliefs. Tout commence lorsque, après avoir été nommé à la tête d’un atelier expérimental de tapisserie, Grau Garriga se rend à Paris pour rencontrer le maître du genre, Jean Lurçat dans l’atelier duquel il entrera plus tard. Mais sur son chemin, il découvre aussi les oeuvres matiéristes de Fautrier, Dubuffet, Soulages et celles de ses compatriotes exilés Antonio Saura et Anton Tapiès.

Au milieu des années 60, il devient l’un des initiateurs de ce qu’on n’appellera plus la tapisserie moderne mais l’art textile. Dans les années 90, après un long séjour en Amérique, il s’installe en France sur les bords de la Loire où sa production cherche, avec la même conscience politique mais dans un autre contexte historique, à passer des cris de révolte aux désirs plus spiritualisés de paix. Il aurait pu disparaître des projecteurs comme la mode des arts textiles méprisés par la génération des années 1980-2000. Garriga has been ? La grande exposition Decorum au MAM de Paris (2013) suivie trois ans plus tard par une autre, des oeuvres de Lurçat (aux Gobelins), revisite aujourd’hui son travail.

En 2016, Nathalie Obadia avait étonné (et ravi) en organisant un impressionnant one man show dans sa galerie parisienne. Voici en 2019, la suite… à Bruxelles avec, en regard, une série d’oeuvres sur papier.

Bruxelles, Galerie Obadia. 8 rue Charles Decoster (1050). Du 9 janvier au 16 févier. Du Ma au Sa de 10h à 8h. www.nathalieobadia.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content