L’oeuvre de la semaine : Ah, si Grand-mère savait…

Chemin faisant, 2019. © Paul Cox
Guy Gilsoul Journaliste

Sous le sapin de la famille Cox dans laquelle gravitaient trois petits enfants, Grand-mère déposait chaque année le même cadeau : un album sur les pages duquel elle avait, patiemment, découpé puis collé des images glanées çà et là sans ordre et sans désordre comme tombent les feuilles sur les chemins.

Paul Cox (°1959) était l’un de ces enfants. Emerveillé, il garda ces montages sans queue ni tête dans son grenier mental jusqu’au jour où il se mit à créer en autodidacte avec l’impression d’être un enfant qui joue quand il travaille. Et des jeux, il en propose, parfois en des dimensions immersives ainsi que des livres pour enfants, des pochettes de cd, des décors de théâtre, des publicités et des logos en veux-tu en voilà. Mais quand il quitte Paris pour le Morvan, il devient « paysagiste ». Sa journée commence toujours par une promenade. Toujours la même, inlassablement. Temps de pluie, temps gris, pâleur du ciel, soleil rieur… Il ne croise personne hormis l’une ou l’autre vache, un poteau électrique, une barrière, une haie, toujours aux mêmes endroits. Parfois, il dessine sur le motif et quand il rentre à l’atelier, au calque, il transcrit l’ébauche sur une planche de bois. Toujours de la même dimension 25 x 32.5 cm. Parfois, directement sur le support, il se souvient puis colorie en étirant les couleurs, toujours par tracés horizontaux superposés, comme un « plâtrier » dit-il. Au maximum, ce sont quatre teintes qui se partageront l’espace. Pas davantage, cherchant par cette restriction, à sortir, comme le conseillait Raymond Queneau, de l’inspiration. Bref, à « se laisser aller » comme l’écrivait dans ses notes un peintre qui plane par-dessus l’épaule de Paul Cox : Edouard Vuillard. Entendez, poursuivait le peintre du groupe Nabi réunir avec naturel, « ce qui provient de la perception sensible, ce qui relève de l’affection singulière et ce qui est nourri par la culture ». Curieusement, d’autres parentés s’imposent entre les deux créateurs : le choix des petits formats (27×35, 23×26, 36×28, 32×24…chez Vuillard), certains accords chromatiques (violet-vert-ocre entre autres) ou encore l’esprit de l’estampe japonaise qui se glisse dans les mises en page ou le tracé évocateur du travail du xylographe. On songe alors aux « bois » d’Edward Muinch, le romantisme en moins. Paul Cox préfère l’émerveillement. Parfois, la violence du contraste des lumières s’impose et renvoie aux premières peintres figuratives de Mondrian réalisées les nuits de pleine lune. Et de se souvenir alors que le grand-père Cox, marchand à La Haye, possédait des oeuvres du futur néo-plasticien…. Etre autodidacte, c’est aussi cela.

Bruxelles, Le Salon d’art. 81, rue de l’Hôtel des monnaies. Jusqu’au21 décembre. Du mardi au vendredi de 14h à 18h30, le samedi de 9h30 à 12h et de 14h à 18h. www.lesalondart.be

A cette occasion, sortie du 28e titre de la collection de « La Petite pierre » : Paul Cox, Chemin faisant.

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