LGBT dans les séries: tous à l’écran?

Maura Pfefferman dans Transparent. © Amazon
Flora Eveno Stagiaire

En septembre dernier, Amazon lançait Transparent, une série qui met en scène un père de famille se sentant femme et qui décide de le devenir physiquement. C’est la première fois qu’un show fait d’un personnage transgenre son héros central. Les séries télévisées peuvent-elles témoigner du changement des représentations sexuelles? Rétrospective et réflexions.

Inimaginable il y a quelques décennies, Mort/Maura Pfeffermann est le nouveau héros transgenre de la série Transparent du géant Amazon. Encore sujette à de violentes manifestations de haine, la communauté LGBT (Lesbienne, Gay, Bi, Trans) se fait malgré tout peu à peu sa place dans les médias. Pourtant, c’est déjà dans les années 1950 que la première femme transsexuelle fait son apparition à la télévision américaine: il s’agissait de Christine Jorgensen. Un début d’effet sera visible dans les séries dans les années 1970, mais avec des représentations très stéréotypées. Le transgenre et l’homosexuel sont vus comme des freaks instables. En 1973, Number 96 est une des rares séries à compter un personnage transgenre.

Plus tard, ce sont dans les séries policières que les minorités sexuelles sont les plus présentes. Elles représentent le vice et la perversion, elles sont typiquement prostituées au bois de Boulogne (dans Navarro). Encore une fois, ces représentations stéréotypées contribuent à la mauvaise image des LGBT. Les homosexuels et transgenres ne sont vus qu’à travers le prisme d’un réalisateur hétérosexuel et incarnés par des hétérosexuels, de manière caricaturale. La différence est mise en avant par les médias qui jouent le côté sensationnaliste. Leurs apparitions seront plus équilibrées à la télévision à partir des années 1990 avec des personnages plus attachants, moins vicieux qu’auparavant. Dans la série lynchienne Twin Peaks, Denyse Bryson est une femme policière transsexuelle jouée par David Duchovny (X-Files, Californication). Même si Denyse montre un tout autre visage des « trans » dans les séries, on regrettera qu’elle soit jouée par un homme.

Denise dans la série Twin Peaks.
Denise dans la série Twin Peaks.© ABC

Années 2000, côté américain: les représentations sont de moins en moins cliché et des personnages gays sont célébrés pour leur personnalité et non leur préférence sexuelle. Six Feet Under, série culte de la chaîne HBO, montre un Michael C. Hall gay, gérant d’une entreprise de pompes funèbres. D’abord peu sûr de lui et nerveux, il s’épanouira pleinement après son coming-out. Les personnages trans et gay se rapprochent enfin de la réalité. On aborde les difficultés d’être dans la catégorie « minorités sexuelles ». Une évolution qui montre la progressivité de la société, avec des prises de position des réalisateurs de grosses séries (Alan Ball de Six Feet Under).

La différence célébrée: Orange is the New Black

Aura-t-il fallu passer par toutes ces étapes pour qu’aujourd’hui enfin, une femme transgenre, actrice, fasse la une du magazine Time? Laverne Cox est la femme du changement. Personnage récurrent de la série Netflix Orange is the New Black, elle fait bouger les lignes depuis sa médiatisation récente. Elle participe à l’acceptation, en montrant qu’elle est une femme exceptionnelle. Pas parce qu’elle est née dans un autre corps, mais parce qu’elle s’est battue pour une reconnaissance de son talent avant tout. Elle est aujourd’hui majoritairement célébrée (nomination aux Emmy Awards 2014). À travers son personnage Sophia Bursett, pas de misérabilisme mais une prise de conscience des difficultés de sa condition, comme celles liées à la prise de son traitement hormonal derrière les barreaux. Saluée pour sa représentation non stéréotypée, la série omet cependant un détail: la plupart des transgenres ne se font pas transférer dans une prison du côté du genre qu’ils ont choisi. Sophia Bursett est un des personnages les plus appréciés de la série. Son équilibre et son humanité dépoussièrent un peu les clichés du genre.

Laverne Cox en Une du Time.
Laverne Cox en Une du Time.© Time Magazine

L’équipe de la série Orange is the New Black ne se dit pas défenseur des droits LGBT, elle veut simplement montrer la richesse dans les différences. D’après le GLAAD (observatoire des représentations négatives de la communauté LGBT) « il y a dans Orange is the New Black, de Netflix, plus de personnages lesbiens, bisexuels et transgenres que dans presque toutes les autres séries actuellement diffusées. » Tout aussi récemment, Venus Van Dam, le transsexuel joué par Walton Goggins dans les trois dernières saisons de Sons of Anarchy, fait aussi partie de ces rôles particulièrement humains qui aident à évacuer les clichés. Même si ici, le transsexuel est joué par un homme. On ne peut toutefois s’empêcher de penser au chemin parcouru et voir la portée positive de ces séries, parmi les plus regardées sur le Web, tout comme The Modern Family.

Les stéréotypes homosexuels dans The Modern Family

The Modern Family a l’ambition de montrer à quoi ressemble une famille moderne aux Etats-Unis de nos jours. Entre remariage et adoption, la famille Pritchett montre toute l’étendue des possibilités familiales aujourd’hui. Nous y suivons notamment Mitchell et Cameron, un couple gay et parents. Le problème avec cette série comme bien d’autres, est qu’elle catégorise Mitchell et Cameron comme deux représentants stéréotypés de la communauté homosexuelle. Cameron est l’homme sensible et efféminé, tandis que Mitchell est l’avocat stressé traumatisé par son père. Ces stéréotypes apparemment inoffensifs omettent de prendre en compte la vraie personnalité de ces deux hommes. Ils sont réduits à une caricature.

« Le problème avec les étiquettes, c’est qu’elles conduisent à des stéréotypes qui conduisent à des généralisations qui elles-mêmes conduisent à des hypothèses qui ramènent à des stéréotypes. C’est un cercle vicieux, et après que vous les ayez entendu plusieurs fois, vous finissez par croire que tous les végétaliens mangent du chou et que tous les homosexuels aiment les comédies musicales« , écrivait Ellen DeGeneres, la célèbre animatrice américaine de talk-show, elle-même lesbienne et fervente défenseuse de la cause.

Mitchell et Cameron (+Lily) dans The Modern Family.
Mitchell et Cameron (+Lily) dans The Modern Family.© ABC

Oui, notre société « occidentale » accepte davantage aujourd’hui les différences sexuelles mais la plupart du temps sous couvert de stéréotypes. Ceux-ci rassurent, et nous nous imaginons la façon dont ces personnes doivent être. Nous supposons qu’une lesbienne et qu’un gay soient plus instables qu’un hétérosexuel. Nous supposons qu’un gay est efféminé et qu’une lesbienne est masculine. Le personnage de Cameron dans Modern Family, un jeune homme gay, féminin et sympathique est forcément plus facile à accepter qu’un vieil homme gay acariâtre. Les stéréotypes sur la sexualité correspondent à des rôles déterminés à l’avance, dont nous ne pouvons nous éloigner. La société semble progressiste tant que les progrès ne nous mettent pas mal à l’aise. Heureusement, la série Transparent pourrait être une nouvelle pierre à l’édifice d’une lente évolution.

Un business LGBT?

Une récente enquête de la chaîne BBC cherchait à connaître les avis de la communautés LGBT sur ses programmes, afin de mieux cibler leurs goûts et contenter un « nouveau public ». Une démarche à priori progressiste qui fait tout de même naître quelques questions: cherche-t-on à faire un business de la culture LGBT? Peut-on catégoriser les goûts de toute une communauté faite de différences? Encore une fois il y a un pas en avant de la part de la frange « mainstream » des médias. Mais va t-on continuer à diffuser des stéréotypes sous prétexte de célébrer la différence.

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