L’Espagne fête Picasso et se souvient

Des visiteurs contemplent la peinture "Guernica" de Pablo Picasso à Madrid, au musée de Reina Sofia © REUTERS/ Susana Vera
Antoinette Reyners Stagiaire

Il y a 80 ans, Picasso peignait le symbole universel de la cruauté de la guerre :  » Guernica « . A partir de ce mardi 4 avril, le musée madrilène Reina Sofia met à l’honneur l’artiste espagnol à travers une vaste exposition qui célèbre l’anniversaire d’un chef d’oeuvre historique et engagée.

Le lundi 26 avril 1937, la capitale et symbole de l’identité du Pays basque espagnol, Guernica, tombe sous les bombardements aériens des nazis. C’est dans cette ville sacrée que les seigneurs de Biscaye venaient prêter serment autour de l’arbre de Guernica.

« J’y étais, ce 26 avril 1937, à ramasser les morts et les blessés « , se souvient Luis Ortiz Alfau, un centenaire espagnol, rencontré par l’AFP. Il est environ 16h15, la ville est animée, c’est jour de marché. Les habitants voient soudainement arriver 44 avions de la Légion Condor nazie protégés par des avions de chasse italiens. « Des avions allemands et italiens ont commencé à arriver par vague de trois, tous les quarts d’heure« , raconte cet ancien soldat républicain. « Ils ont largué des bombes explosives, puis des incendiaires, et la ville s’est mise à brûler « .

Les militaires nazis sont venus apporter leur soutien au coup d’État nationaliste mené par Francisco Franco contre le gouvernement républicain, défendu par les Basques. Les dirigeants nazis saisissent cette occasion pour tester leurs nouvelles armes sur le terrain espagnol. Après avoir lâché quelques 50 tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 19h45.

L’objectif principal est de semer la terreur. Guernica n’est ni un centre industriel, ni un arsenal. Selon les derniers bilans d’historiens, l’attaque de Guernica aurait tué entre 150 et 300 personnes sur les 7000 habitants de Guernica.

C’est la première fois dans l’Histoire moderne qu’une population urbaine est sciemment massacrée. L’indignation est immense. A Paris, le peintre espagnol Pablo Picasso découvre dans la presse les premiers reportages photo du drame.

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 » Guernica » est l’une des oeuvres les plus importantes et populaires de Picasso. En janvier 1937, le gouvernement espagnol républicain de Francisco Largo Caballero demande à Picasso de réaliser une peinture murale pour le pavillon espagnol de l’Exposition Internationale de Paris de 1937.

C’est donc au milieu de la guerre civile espagnole (1936-1939) à Paris que l’artiste décide d’immortaliser ce drame à travers une peinture à l’huile de plus de 7 mètres de long et 3 mètres de hauteur. Cette oeuvre reflète toute la colère et la terreur de Picasso face à ce massacre d’innocents en recourant à des tons noirs et blancs, nuancés de gris. « Dans le panneau auquel je travaille et que j’appellerai Guernica et dans toutes mes oeuvres récentes, j’exprime clairement mon horreur de la caste militaire qui a fait sombrer l’Espagne dans un océan de douleur et de mort« , déclare Picasso en mai 1937. Guernica est l’emblème de la participation du peintre aux drames de son temps.

On y voit des figures déformées de femmes et d’enfants qui se tordent dans une ville submergée par les flammes. Un combattant gît au sol, une épée brisée en main. Un taureau impassible voisine avec une colombe blessée et un cheval agonisant. En fond de tableau, des formes géométriques sombres évoquent des immeubles effondrés.

« Je suis frappé par la grandeur (du tableau) et je peux imaginer ce qu’a été le conflit espagnol« , partage Takahiro Yoshino, un Japonais de 20 ans, en contemplation devant la toile sur laquelle « les personnages semblent hurlés« . L’oeuvre devient tout d’abord un symbole de la dénonciation de la violence franquiste et fasciste, ensuite de l’horreur de la guerre en général. Malgré ses 80 bougies, ce tableau n’a malheureusement pas perdu une ride et cristallise encore aujourd’hui l’actualité et les conflits internationaux qui traversent notre siècle.

Pablo Picasso s’installera définitivement en France à la prise de pouvoir du général Franco en 1939. Il poussera son dernier souffle à l’âge de 91 ans à Mougins, en France.

Quelques années avant sa mort, il avait demandé à ce que « Guernica » ne soit rendu à son pays natal que lorsque les libertés publiques y seraient restaurées. En 1981, son voeu s’exhausse après 36 années sous le régime totalitaire de Franco.

Une rétrospective mondiale

Le musée national d’art moderne promet donc « une grande exposition pour célébrer le 80e anniversaire de la création de Guernica par Pablo Ruiz Picasso et les 25 ans de l’arrivée de ce tableau au musée Reina Sofia« . Ce n’est donc pas sans raison que cette exposition de taille s’intitule « Le chemin vers Guernica ».

Près de 150 chefs-d’oeuvre de l’artiste sont exposés « en provenance des fonds de la collection (du musée) et de plus de 30 institutions du monde entier« , précise l’institution.

Des tableaux quitteront ainsi le Musée Picasso et le Centre Georges Pompidou de Paris, la Tate Modern de Londres, le MoMA et le Metropolitan Museum de New York, la Fondation Beyeler près de Bâle en Suisse, et diverses collections privées.

Cette exposition rare et complète dévoile ces tableaux ce mardi 4 avril à Madrid au sein du musée Reina Sofia jusqu’au 4 septembre 2017

Antoinette REYNERS

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