Laurent Raphaël

L’édito: À la verticale de l’été

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Un petit dernier pour la route… Dès la semaine prochaine, Focus passe à l’heure d’été. Ce qui ne veut pas dire que nous baissons le volet pour deux mois. Au contraire. Vu l’actualité culturelle bien chargée qui s’annonce -et que nous décortiquons cette semaine dans un agenda spécial de dix pages-, toute l’équipe reste mobilisée.

Le Covid ayant joué les trouble-fêtes, le cocktail estival sera d’ailleurs inédit. Si la plupart des gros festivals ont jeté l’éponge ou réduit la voilure comme à Mons, certains organisateurs finauds profitent de la confusion pour lancer de nouvelles initiatives. Parfois on déshabille Paul pour habiller Jacques. Ainsi, la ville de Bruxelles met le BSF au frigo mais lance Arena5 sur le plateau du Heysel, avec une affiche bigarrée et fourre-tout -sur laquelle se télescopent Asaf Avidan, Philippe Katerine ou… Véronique Sanson- du même tonneau.

Le calendrier est aussi chamboulé par les reports des événements phares du printemps, qui ont trouvé refuge sur la barque de la haute saison. Deux exemples: le festival de Cannes qui se tiendra exceptionnellement en juillet, quitte à brûler la politesse au festival de Venise, et les Nuits Botanique qui, au lieu d’ouvrir le bal des festivals, le clôtureront en septembre. Voilà qui donne le ton d’un été pas comme les autres. Avec pas mal de questions à la clé, dont celle-ci: l’appât des films de haute volée qui déferleront, et feront de l’ombre pour une fois aux blockbusters américains, suffira-t-il à arracher les juilletistes et les aoûtiens, tout juste libérés du couvre-feu et autres interdictions de bars et de restos, à leurs serviettes de plage et leur soif de grand air?

Fidèle au poste, Focus prendra le pouls de cette riche biodiversité culturelle produite localement (les Américains resteront encore chez eux cette année). Tout en ne dérogeant pas à la règle des séries originales, histoire de souffler entre deux tours de manège. Quatre sont au programme: l’une emmènera chaque semaine un philosophe à la plage, une autre débusquera les artistes sur Instagram, une troisième rendra hommage aux pionnières méconnues du blues, du jazz, du rock, etc. et, enfin, une dernière illustrera les conseils plus ou moins farfelus édictés par des artistes pour écrire un roman.

Changer le monde, et donc soi-mu0026#xEA;me, commence par sortir de sa tour d’ivoire.

Que les habitudes soient un peu chamboulées n’est peut-être pas une si mauvaise chose, au fond. Ne s’était-on pas juré au plus fort du confinement de ne plus retomber dans les mêmes travers qu’avant? De consommer moins et mieux? De prendre du temps pour soi et pour ses proches? Plutôt que la promesse mort-née de tout changer en une fois, il vaut sans doute mieux adopter la politique des petits pas. En introduisant de modestes décalages dans le quotidien. L’autre jour, lors de l’audition du fiston à l’académie de musique, les deux professeures de piano ont invité le public à ne pas dégainer les smartphones pour ne pas rajouter de pression sur les « artistes » mais surtout pour vivre avec plus d’intensité le moment présent. Un petit renoncement qui aurait été mal reçu il y a deux ans et qui a pourtant transformé l’instant.

Dans le même ordre d’idée, on pourrait imaginer de jalonner son été de petits défis qui nous arrachent à notre zone de confort, cet espace mental qu’on a tendance à transformer en forteresse. Quelques pistes au hasard, à emprunter de préférence en laissant ses préjugés au vestiaire: lire un polar si c’est un genre qu’on méprise, aller pour la première fois à un concert de metal ou de classique, se perdre dans un musée, goûter l’étrangeté d’une performance… Au pire, on aura vécu une expérience. Au mieux, on aura ouvert une porte en soi. Comme Jacob, accusé à tort de meurtre dans le nouveau roman de Ryan Gattis, Le Système (Fayard), et qui va échapper à la monstruosité de l’univers carcéral qui menace de déteindre sur lui grâce à la lecture de L’Île au trésor de Stevenson. Changer le monde, et donc soi-même, commence par sortir de sa tour d’ivoire. Une attitude qui ne pourra que nous rendre plus humains, plus attentifs aux autres, à ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent. Chiche?

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