Le voyage en Arbonie de Jephan De Villiers

Exposition Jephan De Villiers à la galerie Marie-Ange Boucher © Emilie Petit

D’emblée le visiteur voyage entre nature et éléments charriés par la mer, comme une flânerie arboricole un soir d’automne dans laquelle il se complaît volontiers. Enfant isolé du monde par de fréquents ennuis de santé, De Villiers confie avoir eu « des difficultés à sortir pour me confronter au monde extérieur. La seule chose que j’avais à faire, c’était de rester chez moi et de ramasser des brindilles, des cailloux dans le jardin. Je ne savais pas, alors, que ça allait me conduire vers la sculpture. » D’immenses villages de terre et d’écorces construits lors de la petite enfance naissent une civilisation faite de bois morts. Un nid tombé, un morceau de ruche, des brindilles, des châtaignes d’eau, du bois et des plumes deviennent alors ses matériaux de prédilection et lui permettent d’imaginer un voyage artistique entre Gironde et forêt de Soignes.

La galeriste Marie-Ange Boucher explique que c’est au cours d’un dîner, que De Villiers jugeait très assommant, que sont nées les premières têtes en mie de pain désormais posées au sommet de morceaux d’arbres morts. Faisant tourner la mie de pain du bout des doigts pour combler l’ennui, De Villiers s’aperçoit alors qu’il peut y sculpter un visage. Ce n’est qu’en 1976, lors d’une balade dans la forêt de Soignes à Bruxelles, qu’il ramasse des éléments abandonnés par la nature et crée une population faite de riens glanés aux bords du monde, personnages hybrides entre anges, humains et volatiles. « La forêt de Soignes fut un très grand moment, un choc énorme. Tout s’est passé en un quart d’heure et en trois cents mètres (…) La forêt de Soignes a stoppé comme un couperet mes dix années passées en Angleterre. La révélation fut d’une telle envergure et d’une si belle urgence, un nouveau monde m’attendait », raconte l’artiste.

Dès lors, les premiers personnages formés d’une mie de pain apposée sur un morceau de bois prennent vie et font figure centrale à l’oeuvre Voyage en Arbonie formant tantôt une armée nomade tantôt un peuple immobile, chevauchant un ours ou représenté seuls simplement ornés de plumes et d’écorces. Cette civilisation « arbonienne » offre alors des tableaux de vie rejetés par une nature morte entre poésie et imaginaire.

A Voyage en Arbonie s’ajoutent Les reliquaires et Ecritures, oeuvres où les plumes et le bois rencontrent l’encre et le papier avec une écriture sans alphabet calligraphiée et inventée par l’artiste. Bestiaire, quant à elle, est une oeuvre improvisée, fruit de sa rencontre avec des enfants handicapés mentaux dans son atelier. « Tous ces enfants étaient assis autour de moi, nous parlions de la nature et des éléments que j’utilise dans mon travail quand, tout à coup, une bourrasque de vent a ouvert la porte de l’atelier avec fracas, projetant à l’intérieur des tas de petits bouts de bois et une multitude de feuilles. Tous ces éléments étaient à ce moment parmi nous et je leur ai dit « Les voilà, ces bouts de nature, ils viennent à nous, on peut certainement en faire quelque chose ».

Porteur de mémoire océanes, Au soir des échappés du grand ciel, Sous les fragilités du monde, oeuvres tant poétiques qu’irréelles où la nature règne en maître sont à découvrir tous les vendredis, samedis et dimanche de 13h à 18h30 jusque mi-décembre à la galerie Marie-Ange Boucher.

Emilie Petit

Infos: www.galeriemab.com

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