Critique

Le film de la semaine: Le Conte de la princesse Kaguya, un pur enchantement

Le Conte de la princesse Kaguya © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Voilà bientôt quinze ans, à savoir depuis la sortie de Mes voisins les Yamada en 1999, que l’on restait sans nouvelles d’Isao Takahata, cofondateur, aux côtés d’Hayao Miyazaki, du mythique studio Ghibli, et grand maître incontesté de l’animation japonaise -l’auteur, notamment, de l’inestimable Tombeau des lucioles.

Pour ce retour que l’on n’attendait plus, le trop rare cinéaste s’est attelé à la transposition d’un récit inscrit dans l’inconscient nippon, Le Conte du coupeur de bambous, un texte remontant au IXe siècle dont il propose une lecture toute personnelle.

L’histoire s’ouvre dans la campagne nippone lorsque, attiré par une pousse luminescente, un coupeur de bambou a la surprise d’y découvrir un ravissant bébé -un don du ciel pour cet homme et sa femme qui n’ont jamais pu avoir d’enfant, et qui s’empressent de l’accueillir dans leur modeste foyer. Et de baptiser « princesse Kaguya » (« lumière rayonnante ») la fillette dont le développement tient du prodige -elle grandit à vue d’oeil, en effet. L’enchantement ne s’arrête pas là, puisque au plus fort d’un bonheur sans nuages, le maître de maison trouve un bambou chargé d’or. Entrevoyant là de nouvelles perspectives, il décide de partir pour la capitale avec Kaguya, devenue une belle jeune fille désormais, afin de lui donner une éducation de princesse et de lui trouver un bon parti. Mais tandis que les prétendants se bousculent, forts de leurs titres, et jusqu’à l’Empereur qui se joindra à leur concert, la jeune femme, se soustrayant aux codes sociaux en vigueur, les met au défi de réaliser l’impossible…

La perfection, en toute simplicité

Trop souvent galvaudée, l’appellation de chef-d’oeuvre s’impose pour ce Conte portant le cinéma d’animation à son sommet. S’appuyant sur une technique singulière -dessinés au fusain, les personnages évoluent dans des décors au fini d’aquarelle-, Isao Takahata signe une merveille visuelle, un film au graphisme épuré, où il émane de chaque trait un sentiment mêlé de grâce et de spontanéité. Ou comment la perfection naquit de l’apparente simplicité, relevée, pour le coup, de divers tours de force -la scène de la fuite éperdue de Kaguya est un moment inoubliable, tant par l’audace de son tracé que par les sentiments qu’elle convoque.

De fait, la richesse de l’histoire est à la mesure d’un accomplissement esthétique majeur. Sur les pas de son héroïne au tempérament frondeur, le réalisateur laisse libre cours à une vision où l’ode à une nature souveraine se double d’une célébration de la vie jusque dans ses imperfections, assortie encore d’une réflexion subtile sur la finitude de toute chose. Le tout, exécuté en un mouvement aérien et poétique où affleure une douce mélancolie, avant que la fable, ensorcelante, ne s’achève en une apothéose lunaire que n’aurait pas reniée Méliès lui-même. C’est dire si ce film délicat est un pur enchantement.

  • De Isao Takahata. Avec les voix de Aki Asakura, Kengo Kora, Takeo Chii. 2h17. Sortie: 13/08.
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