Critique

[Le film de la semaine] L’Atelier: Laurent Cantet filme les mots

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Laurent Cantet met en scène un atelier d’écriture pour ados en insertion. Portraits de groupe et d’une jeunesse bercée d’incertitudes. Passionnant.

Neuf ans après la Palme d’or d’Entre les murs, Laurent Cantet (lire son interview) revient à une forme voisine avec L’Atelier. S’il délaisse la classe, c’est pour un cadre comparable, un atelier d’écriture estival où quelques jeunes en insertion de La Ciotat -ils sont sept en tout, présentant des profils bien différents- s’attellent à l’écriture d’un roman noir inscrit dans leur cadre de vie sous la conduite d’Olivia (Marina Foïs), une auteure parisienne connue. Les conversations sont animées, les idées fusent, qui alimentent divers scénarios intégrant l’histoire ouvrière de la ville et son chantier naval fermé depuis 25 ans. Propositions dont il ressort rapidement qu’elles n’intéressent guère Antoine (Matthieu Lucci), l’un des participants, peu sensible aux luttes sociales du passé mais perméable à l’angoisse d’un temps présent qui le voit naviguer à vue, sans autre perspective apparente que celles que lui fait miroiter un groupuscule d’extrême-droite violent. Et de s’opposer toujours plus vivement au reste du groupe et à une « prof » nourrissant à son endroit des sentiments ambivalents…

Laboratoire du réel

[Le film de la semaine] L'Atelier: Laurent Cantet filme les mots

Au départ de ce dispositif singulier, Laurent Cantet signe un film passionnant, résolument en prise sur le monde d’aujourd’hui et à l’écoute d’une jeunesse en quête d’une place dans un environnement ne la prenant pas en compte. Mais s’il y a là un film éminemment politique, c’est sans didactisme pour autant, cet atelier fonctionnant comme un laboratoire ancré dans le réel, des échanges et confrontations jaillissant des réflexions embrassant aussi bien la mémoire sociale que la confusion du présent et ses innombrables défis et contradictions. Une perspective que le réalisateur filme au plus juste, scotché à la spontanéité et au naturel de ses formidables comédiens non-professionnels (si Matthieu Lucci est l’incontestable révélation du film, Warda Rammach impose elle aussi une belle présence) à qui Marina Foïs offre un contrepoint particulièrement inspiré.

En ressort un remarquable portrait de groupe -spécialité d’un cinéaste à qui, outre Entre les murs, on doit encore Foxfire et Retour à Ithaque– dont jamais Cantet ne muselle les individualités sous la contrainte d’un éventuel message, doublé de celui d’une jeunesse bercée d’incertitudes; le tout relevé encore d’une part de romanesque entraînant le film en terrain propice au trouble. C’est dire si, sous ses contours modestes en apparence, L’Atelier est une oeuvre féconde, témoignant de mutations en cours et réussissant, en filmant la parole, à ouvrir sur un stimulant champ de possibles, à l’abri d’un quelconque angélisme mais aussi des discours prémâchés. Fort.

De Laurent Cantet. Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach. 1h51. Sortie: 08/11. ****

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