Critique

Le film de la semaine: 12 Years a Slave

12 Years a Slave - Chiwetel Ejiofor © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

DRAME HISTORIQUE | Après Hunger et Shame, Steve McQueen frappe une nouvelle fois très fort avec 12 Years a Slave, film coup de poing sur l’enfer de l’esclavage.

Le film s’inspire d’une histoire vraie, édifiante. Soit celle de Solomon Northup telle que relatée dans ses propres mémoires en 1853, sous le titre 12 Years a Slave. Au début des années 1840, Northup (Chiwetel Ejiofor, parfait) est un homme libre, un « free negro », qui vit avec femme et enfants dans l’Etat de New York. Il gagne décemment sa croûte en tant que charpentier et violoniste quand il est enlevé, séquestré puis vendu comme esclave et envoyé par bateau à La Nouvelle-Orléans. Le début d’un voyage au bout de l’enfer prenant pour cadre le décor cruellement édénique de plusieurs plantations sudistes charriant leur lot insensé d’humiliations et de brimades, où le fragile instinct de survie d’une poignée de femmes et d’hommes noirs au bord de l’épuisement est mis à mal par un harcèlement moral de tous les instants, et par la suffocante violence physique dont ils font l’objet…

Si Steve McQueen (Hunger, Shame) donne parfois le sentiment de chercher à tout prix la situation malsaine, inconfortable -Michael Fassbender en propriétaire de plantation complètement dégénéré-, rien (ou presque) pourtant chez le cinéaste n’est jamais gratuit. Pas même la virtuosité, stupéfiante, de sa mise en scène ou la composition quasi picturale de chacun de ses plans. C’est que la puissance peu banale de 12 Years a Slave, film coup de poing dont on ressort littéralement K.O., doit beaucoup à la tension extrême qui le fonde, entre la beauté souveraine de la forme et la sauvagerie, la pure abomination de la matière traitée. Soit une certaine idée, radicale, du paradis perdu.

Drame historique intense et viscéral construit autour de quelques sidérants morceaux de bravoure où McQueen use (et abuse?) de très longs plans voire, comme à son habitude, de plans-séquences -cette scène, parmi d’autres, de la jeune esclave fouettée, insoutenable point d’orgue de l’odyssée déshumanisante de Northup-, 12 Years a Slave n’en vibre pas moins de singulières résonances contemporaines. Car en plongeant en apnée dans les plus sombres abîmes de l’âme humaine, c’est aussi, et pêle-mêle, le concept de propriété, le pouvoir de l’argent, la notion fluctuante de justice, la dignité au sens large voire même le désengagement idéologique que cet inépuisable objet cinématographique interroge frontalement. Fort.

  • DE STEVE MCQUEEN. AVEC CHIWETEL EJIOFOR, MICHAEL FASSBENDER, LUPITA NYONG’O. 2H13. SORTIE: 22/01.
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