La culture anticipe l’après-confinement: « Il y a un effet entonnoir qui va poser problème »

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Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Comment le secteur culturel va-t-il se relever au lendemain de la crise du coronavirus? Alors que tous les événements de masse sont annulés jusqu’au 31 août, les idées fusent et les témoignages pleuvent. Réactions à chaud du côté du milieu de l’art, au lendemain du Conseil national de sécurité.

Ce mercredi, Sophie Wilmès a non seulement annoncé la prolongation du confinement jusqu’au 3 mai au minimum, mais a aussi évoqué l’interdiction de tous les événements de masse, en ce compris les festivals, jusqu’au 31 août. Dans ce contexte, l’agence Carascom a réuni une petite dizaine d’opérateurs culturels pour une table ronde virtuelle où se sont échangées les réactions à chaud. En voici quelques morceaux choisis.

Laure Houben, responsable communication au BPS 22 (Charleroi):

« On peut déplorer que la culture n’ait pas été mentionnée lors de la conférence de presse, mais on comprend bien que c’est compliqué de mentionner tous les secteurs d’activité. Chez nous, techniquement, on est prêts à rouvrir le 5 mai, tout en respectant les consignes de sécurité. Accueillir 100 à 200 personnes par jour en respectant la distanciation sociale, c’est possible, mais on est un petit musée de province, pas le Bozar… »

Jean-Michel Heuskin, directeur de la Cité Miroir (Liège):

« La saison théâtre prochaine était déjà presque bouclée, c’est très compliqué à faire de la gestion d’agenda. Il y aura de grosses pertes, c’est sûr. La grosse interrogation qu’on a, c’est la grosse expo internationale sur Giacometti qui devait ouvrir en octobre. On ne sait pas si on va maintenir la date: c’est organisé en collaboration avec Paris, on n’est pas seuls à décider. (…) En fonction de ce qui sera permis l’été, on verra comment mettre nos outils à disposition des artistes… Jusqu’à vendredi prochain, tant qu’on n’a pas les informations, on est plus dans la réflexion que dans l’action. »

Marie Kupper, directrice d’Europa Expo (Liège):

« On a un système de tickets horodatés qui était déjà mis en place avant le confinement, qu’il faudrait renforcer. Pour l’instant, notre société est quasiment à l’arrêt. Reporter, prolonger, ça dépend de nos prêteurs, ça doit être discuté, négocié. »

Justine Mathonet, co-directrice de La Châtaigneraie, Centre wallon d’art contemporain (Flémalle):

« On est une petite structure: au niveau du respect des mesures de distanciation, on pourra gérer ça facilement. Pour la rentrée, je ne sais pas comment ça va se passer. On reçoit beaucoup de dossiers, on sent que les artistes ont eu beaucoup de temps pour les peaufiner… D’ici la rentrée, on essaie de garder le contact via les réseaux sociaux, on publie des initiatives qu’on trouve sympas d’autres personnes, institutions. Il faut continuer à faire vivre la culture dans notre région par ces temps un peu bizarres. »

Alice Herman, responsable communication au Musée Royal de Mariemont (Morlanwelz):

« On a réagi assez vite à l’annonce du confinement en créant une cellule en interne. Une des questions fréquemment à l’ordre du jour, c’est la programmation. La crise a plusieurs impacts: la fermeture des musées bien entendu, mais aussi le prêt d’oeuvres, les questions d’assurances, les frais entre pays… L’organisation des expositions temporaires est rendue compliquée. On a aussi mis en place toute une série d’actions sur nos réseaux sociaux, sur des sites partenaires, comme Easy travel. Comme tout le monde, on essaie d’être disponible pour les visiteurs, et on réfléchit à l’après. On est potentiellement ouverts après le 4 mai, mais on redoute que ça soit plus long. »

Carl Havelange, directeur artistique du Trinkhall Museum (Liège):

« Nous n’avons pas été interrompus dans nos activités, puisque notre musée devait être inauguré le 19 mars. Notre réflexion, ça a été de se demander comment c’est ce qui nous est imposé pouvait nous être utile d’une manière ou d’une autre. Ce que nous appelons « la puissance expressive des mondes fragiles » prend aujourd’hui une signification très particulière. Il faut réfléchir à la place de la culture et du musée dans une économie sociale, politique, culturelle qui est amenée à être transformée dans les mois, années qui viennent. En ce qui concerne notre lancement, nous visons le mois de septembre. Ça nous semblait un terme raisonnable. Mais sans savoir où nous en serons à ce moment-là. »

Anne-Françoise Lesuisse, directrice de la Biennale de l’Image Possible, portée par le CC Chiroux (Liège):

« Nous travaillons à reporter un maximum à la saison prochaine, mais on s’aperçoit que le contexte entraîne un phénomène d’engorgement au niveau de la programmation. On peut sauver quelques meubles, mais il y a un effet entonnoir qui va poser problème, notamment pour les compagnies, les artistes avec lesquels des engagements avaient déjà été pris. La situation des créateurs est extrêmement problématique. On essaie de ne pas pénaliser financièrement de manière brutale les engagements qui ont été pris. Mais il y aura des arbitrages à faire et des décisions à prendre. (…) En ce qui concerne la Biennale, celle-ci étant un événement temporaire, pour l’instant, on fait comme si elle allait pouvoir avoir lieu. Je n’anticipe pas un arrêt. Elle devrait s’ouvrir le 19 septembre, on continue à travailler avec les artistes. La question qu’on voulait poser, c’est l’impact que peut avoir la création sur le réel. Aujourd’hui, on a vraiment l’impression que c’est le réel qui influence le monde de la culture. »

Francis Tourneur, administrateur général de Pierres et Marbres de Wallonie (Nannine):

« Depuis 30 ans, Pierres et Marbres essaie de renouveler cette culture « pierre » qui fait partie de notre région. Ça va être toute une gymnastique de retrouver un équilibre. Nous dépendons de subsides régionaux, le secteur reste dans le flou pour le moment. Du côté du gouvernement wallon, les cabinets sont silencieux. Les dernières réunions ont eu lieu avant le confinement. Pour l’instant, c’est silence radio. On a des frais fixes, et on se dit que tout cet argent qui sera nécessaire pour la santé, on va le tirer dans des créneaux moins essentiels, comme le nôtre. »

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