Fabrizio Rongione sur les planches de la Toison d’Or

© Nicolas Honorez

Comédien belge d’origine italienne, Fabrizio Rongione s’est déjà illustré au cinéma, notamment avec les frères Dardenne. Mais c’est sur les planches qu’il préfère exercer. Dès ce soir, il s’illustre d’ailleurs dans un seul en scène vivifiant et un brin militant.

« Vaffanculo! », s’emporte-t-il quand il se trompe dans son texte. Fabrizio Rongione, cueilli alors qu’il répète On vit peut mais on meurt longtemps dans un Théâtre de la Toison d’Or vide, peut difficilement cacher ses origines transalpines. Qui ne s’expriment pas qu’à travers ses jurons, mais aussi via son regard enjôleur, sa voix caresse, son sourire malicieux et ses références.

Biberonné aux comédies italiennes des années 50, « Scola, Risi, De Sica… Des films qui passaient sur la Rai le week-end, quand j’étais petit », le comédien raconte qu’il a toujours voulu faire rire. « Ces films m’ont donné le courage de me lancer. »

Le voilà donc dans un second seul en scène coécrit avec son complice Samuel Tilman, déjà joué une vingtaine de fois l’an dernier, où il souligne avec légèreté (mais pas sans profondeur) le paradoxe permanent de l’existence humaine. « Le décalage entre ce que tu penses et ce que tu dis, entre ce que tu aimerais faire et ce que tu fais, la difficulté d’être cohérent. Par exemple, même si j’aime U2 depuis que je suis gosse, je me demande quel est le sens, pour Bono, de récolter de l’argent pour les pauvres quand toi-même tu es milliardaire. Il aura toujours trop d’argent par rapport aux miséreux. Attention, moi je suis pareil! Je me sens parfois révolutionnaire, je brandis le poing, et puis je vois la vie que j’ai… »

L’après-Rosetta

La vie qu’il a: un papillonnage entre les planches, la télévision (avec notamment, les séries Mafiosa et Un village français), et le cinéma belge, français et italien (on l’a vu récemment dans La Prima Linea). « Jouer en italien ou en français, ce n’est pas la même chose. C’est un sentiment qu’ont tous les immigrés, je crois », avance le comédien ixellois. « Celui de changer de personnalité en fonction de la langue que tu utilises. Je suis plus réservé en italien. J’ai d’ailleurs joué beaucoup de bourgeois en Italie, alors que dans les films d’expression française, je fais plutôt les paysans, les gangsters! »

En 1999, il était Riquet, jeune marchand de gaufres, rival et ami de la Rosetta des frères Dardenne. Premier film, première consécration par la critique… et premier passage à vide. « Après Rosetta, après Cannes, surtout, j’ai vécu une période difficile. Mes amis me croyaient lancé, alors que pour les gens de cinéma je n’avais fait qu’un film et j’avais encore tout à prouver. Je me disais « Ca y est, je suis arrivé », alors que je n’étais même pas parti. Je suis monté trop haut, trop vite. Après, j’ai fait mon premier film en Italie avec Chiara Mastroianni, Le Parole Di Mio Padre, et c’est là que tout a réellement décollé. Ceci dit, c’est évident que tout ce que j’ai fait après Rosetta, ce fut grâce à Rosetta. Mais les choses ont mis du temps à se mettre en place. »

Boulimique de culture, cinéphile pur jus (« Je suis fan de cinéma asiatique »), Fabrizio Rongione est aussi avide d’info. « Je lis deux ou trois journaux par jour, français, italiens et belges. » Une faim qui nourrit On vit peut mais on meurt longtemps, charge insolente contre l’impersonnalisation des rapports humains, les apôtres du bon sens populaire, la prise de pouvoir des VIP à la place des Rois, l’arrogance des dirigeants… De l’humour, mais social, donc. « J’adorerais tourner pour Ken Loach… »

On vit peu mais on meurt longtemps, de Samuel Tilman et Fabrizio Rongione, du 13 au 30 octobre au Théâtre de la Toison d’Or, à Ixelles. www.ttotheatre.be

Myriam Leroy

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