En images: OAK OAK réenchante les rues de Bruxelles
Originaire de Saint-Etienne, OAK OAK (on dit « wakwak ») avait déjà fait parler de lui en 2017. à l’invitation de la Ville de Bruxelles, l’artiste urbain était intervenu au fil des rues qui bordent la place Sainte-Catherine. Soit une dizaine d’oeuvres dotées d’un grand potentiel de sympathie. Un an plus tard, le voici qui ramène ses spray cans au coeur de l’Europe. Manifestement, son style plaît. En charge du Parcours Street Art, Emmanuel Angeli explique: « Le travail d’OAK OAK se glisse idéalement dans le tissu urbain. Il appartient à cette génération d’artistes qui n’a pas besoin de se répandre sur des murs énormes. Il s’agit plutôt de petites interventions décalées qui prennent parti de la moindre irrégularité architecturale. Cet artiste pose vraiment un autre regard sur la ville, c’est ce que nous cherchons. Cela ne s’adresse pas qu’aux amateurs, tout le monde est interpellé par ce qu’il fait. » Quand, dans la foulée, on questionne l’intéressé sur la nationalité française du graffeur, là où un protectionnisme atavique s’attendrait à la promotion d’un talent local, il ne se laisse pas démonter: « Pendant deux ans, nous n’avons fait appel qu’à des artistes belges et bruxellois, il était grand temps de s’ouvrir.«
Articulée autour du Vismet, la deuxième vague d’interventions d’OAK OAK possède ceci d’intéressant qu’elle offre de recroiser les oeuvres anciennes. Cette démarche de « street archéologie » permet de mesurer le caractère de préciosité éphémère des propositions. Pas de doute, il s’agit d’un art modeste exposé de plein fouet à l’entropie et au bon vouloir des hommes. Tout ça pour ça… Quelle volonté se cache derrière cette promotion des pratiques urbaines? Emmanuel Angeli n’en fait pas mystère: « L’idée avec ces promenades, c’est d’encourager le tourisme, la découverte ou la redécouverte de Bruxelles. Qu’il s’agisse de visiteurs qui sont de passage ou de personnes qui habitent ici, ce type de parcours permet d’emprunter des chemins de traverse, aller où l’on n’irait jamais. Il s’agit d’ouvrir les yeux sur la ville et en même temps de l’embellir.«
La méthode n’est pas nouvelle. Au début des années 80, New York avait déjà essuyé les plâtres de cette démarche. On pense à Richard Haas qui s’était fendu de quelques fresques, monumentales pour sa part, notamment sur le Consolidated Edison Building, afin de faire renouer les habitants avec d’anciennes perspectives, en l’occurrence le pont de Brooklyn, désormais englouties par le bâti. L’idée d’un réenchantement de l’espace urbain a fait de nombreux petits. Plus récemment, un James Reynolds, dans la foulée de la crise financière, s’est appliqué à en faire disparaître les stigmates londoniens à coup de trompe-l’oeil apposés sur les fenêtres et les portes condamnées des bâtiments faillis.
Impossible pour une conscience aux aguets de ne pas s’interroger: en recourant à ces stratégies, l’art urbain ne s’ampute-t-il pas de sa dimension politique en se transformant en chloroforme social? Le débat est ouvert qui oppose les tenants de la réforme à ceux de la radicalité. Masquer les petites misères de la rue ne contribue-t-il pas au bout du compte à rendre supportable une situation qui ne l’est pas et qui commanderait une mobilisation générale? Emmanuel Angeli, quant à lui, ne voit pas les choses de cette façon, préférant évoquer la cohésion sociale favorisée mais également le soutien matériel offert aux artistes. « Longtemps, la politique pratiquée en la matière était de donner trois bonbonnes de couleurs aux graffeurs et de leur faire faire joujou sur un mur dont personne ne voulait plus. Dans le cas présent, il y a une vraie rétribution, cela s’échelonne entre 1000 et 20.000 euros en fonction de l’importance de la contribution. Sans compter les démarches qui sont entreprises pour assurer une visibilité accrue au sein de la ville, une tâche pas toujours facile en ce qu’elle s’inscrit au croisement des visions artistiques et des impératifs de l’urbanisme. » Quoi qu’il en soit, le parcours OAK OAK fait mouche: une heure durant on a été ce piéton diverti, heureux de sillonner Bruxelles autrement que sur le mode de l’utilité.
Dans sa version officielle (il existe des ébauches qui ne sont pas reprises sur le tracé), le parcours OAK OAK compte sept interventions entre le 36 du quai aux Briques et le 40 du boulevard de Dixmude.
Cette fresque du quai aux Briques est celle sur lequel s’ouvre le nouveau parcours d’OAK OAK. Réalisée sur un mur privé, la Ville de Bruxelles s’est chargée de l’autorisation, l’oeuvre est plus grande qu’à l’habitude. Logique, elle résulte d’une collaboration avec l’Anversois Joachim.
Transformer des toilettes publiques en un gâteau appétissant, exactement le genre d’intervention qu’affectionne OAK OAK. Un coup de baguette magique? Peut-être, il reste que la nouvelle apparence ne changera en rien le sort des personnes marginalisées qui s’y retrouvent au bout du Vismet.
À deux reprises, le street artiste s’est amusé à ajouter des passages pour piétons dans les rues de Bruxelles, invitant à multiplier les flux plus lents dans une ville acquise aux logiques automobiles. Au 45 rue de Barchon, une bande blanche disparait dans un trou noir.
Ce writing devant le numéro 3 de la rue Léon Lepage offre une facette différente du travail d’OAK OAK. Impossible à voir sur l’image, une petite bombe de couleurs appelée « waki » qui pulvérise la sentence « écrire c’est parler sans se faire interrompre »…
C’est à deux pas du Kanal Pompidou que l’on trouve cette intervention nostalgique de l’artiste, à savoir une fillette jouant au cerceau. Initialement, il était prévu que les oeuvres d’OAK OAK relient symboliquement la Centrale à l’ancien garage Citroën. Au final, cela n’a pas été possible.
Ce clavier bien tempéré du 23 de la rue Marché aux Porcs est probablement l’intervention la plus subtile du parcours. Une marche que personne ne voit plus transformée en un instrument de musique, voilà une mélodie urbaine silencieuse qui teinte doucement à l’oreille des amateurs de poésie.
Cela fait depuis 2013 que la Ville de Bruxelles planche sur les parcours street art. L’ensemble des oeuvres est répertorié sur un site éponyme qui permet de prendre la mesure de quelque 200 oeuvres réalisées par une cinquantaine d’artistes différents. Le tout est géolocalisé comme il se doit, il suffit donc d’un simple smartphone pour s’embarquer au fil d’itinéraires marqués par la découverte. Au total, il existe quatre parcours identifiés à portée de semelles: OAK OAK, Sainte-Catherine, Grand-Place et Marolles. D’une durée approximative d’une heure, les tracés en question sont envisagés comme des boucles et une option « Get route » permet d’être véritablement pris virtuellement par la main au fil des graffs. Ces itinéraires urbains sont parfaits pour découvrir le fleuron du street art originaire de, ou passé par, Bruxelles: Space Invader, Bonom, Jaune, L’Atlas, Denis Meyers, Kool Koor… La liste est longue des contributions, autorisées ou non, au réenchantement de la capitale. Quelques oeuvres anonymes majeures sont également reprises -bravo pour l’hommage aux soldats inconnus. On apprécie le fait, mais hélas ce n’est pas systématique, qu’une notice biographique précise le travail de certains des graffeurs intervenus sur les murs. Parmi les talents à découvrir, il ne faut pas rater Isaac Cordal (photo), dont les propositions disséminées aux quatre coins de la ville s’apparentent à une vraie chasse aux oeufs. Les oeuvres de l’Espagnol sont de petites sculptures représentant des personnages à l’allure bureaucratique. Le tout pour une passionnante « réflexion critique sur notre comportement en tant que masse sociale ». https://parcoursstreetart.brussels
Dernier ajout au Parcours, une oeuvre de Pierre Coubeau alias FSTN (lire fiston) réalisée à l’occasion de l’exposition Revlt! aux anciens établissements Vanderborght. À voir sur le mur de la plaine de jeux située rue Léopold.
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