Philippe Cornet

Ecran à cran

Philippe Cornet Journaliste musique

La télévision américaine propose le meilleur et le pire. Plutôt le pire, en fait. Sauf pour les gâteries des feuilletons, et quand McCartney est invité chez Obama via PBS.

Par Philippe CORNET

Deux extrêmes. Tout en haut, les séries qui supplantent, de loin, leurs consoeurs européennes: grosses turbines fictionnelles de HBO, NBC, AMC ou Showtime, bluffantes, d’Urgences à Mad Men. Tout en bas, la télé usuelle, débitant 24 heures sur 24 des tsunamis d’émissions d’une perspicacité intellectuelle inversement proportionnelle à leur gloutonnerie consumériste. Avec un gros faible pour l’émotion trash et anxiogène, l’Américain « moyen » raffolant des shows où les flics coincent un louche basané dans un quartier de Miami.

Et puis, en outsider: la télévision publique, connue sous le nom de PBS (Public Broadcasting Service), fondée en 1970 et subsidiée par des donations privées à environ 55%, le solde provenant de taxes et de subventions étatiques. Elle dépend donc largement du bon sens d’un public désireux d’apprendre et de se divertir avec deux doigts de dignité plutôt qu’un supplément ketchup et un extra de graisse à revolver.

Le contraste entre un spécial yoga et PBS Kids qui lutte contre un océan de crétineries prépubères est saisissant avec certains shows prestigieux. Celui, par exemple, de Paul McCartney venant recevoir à la Maison Blanche le prix Gershwin octroyé par la Bibliothèque du Congrès pour la chanson populaire. On vous en parle parce que la chose, enregistrée en juin 2010 et diffusée fin juillet, est intégralement visible sur le site de la chaîne: c’est quasi un devoir de salubrité publique que de la regarder (à voir aussi une série d’autres performances chez Mr et Mrs Obama, dont A Celebration of Music from the Civil Rights Movement, avec entre autres Dylan).

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Watch the full episode. See more In Performance at The White House.

On a souvent griffé le Beatles survivant en chef pour son boyscoutisme caritatif et ses positions anti-bidoche. Mais là, en 1h30, finement filmée sous les lambris, reconnaissons que ses créations musicales sont raccords au lieu: présidentielles voire même impériales.

Politique & culture

Une dizaine d’artistes invités dorent la note: Corinne Bailey Rae, Jack White et même l’agaçant Dave Grohl sont parfaits avec une mention formidable pour Elvis Costello qui raconte comment Penny Lane l’a frappé en plein coeur du Liverpool où il habitait à l’hiver 1967. Assis avec Michelle et les filles à deux mètres de la scène, Barack Obama est au diapason.

Mais il ne s’agit pas seulement de spectacle « à l’américaine »: le Président explique comment la meilleure musique constitue autant un plaisir indémodable qu’un incomparable ciment social et un legs de la mémoire. Avec un humour, une conviction et une élégance qui dépriment légèrement lorsqu’on pense à nos vaillants représentants politiques, encore moins inspirés sur le sujet de la culture que sur celui de BHV. On se met aussi à rêver d’une télévision publique belge invitant la crème du rock belge (et McCartney?) au Palais de Laeken, suscitant chez Albert II un étincelant discours sur la nécessité de la musique en ces temps de crise. C’est juste une idée.

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