David Delruelle: Dada’s not dead

David Delruelle épluche les magazines qu'il collectionne par centaine. © Baptiste Erpicum
Stagiaire Le Vif

Un jeune artiste bruxellois reprend la technique du collage à son compte. Il poursuit la voie initiée par Georges Braque et Pablo Picasso avec le même souci d’interroger notre perception des choses. Nous avons croisé le chemin de cet artiste qui brouille les pistes.

David Delruelle se cache derrière un sourire timide mais, sous ses sourcils foncés, l’éclat de ses yeux trahit la passion qui l’anime: il consacre des heures à éplucher les magazines pour trouver les images qui lui permettront d’exprimer son art. Il les découpe, les assemble et puis les colle. En un mot, ce jeune Bruxellois est collagiste. Exalté, limite accro: « J’ai besoin de créer, confie-t-il, quand je pars une semaine en vacances, je ne me sens pas bien. »

Pour cerner cette pratique singulière, il faut descendre dans l’atelier de David: une pièce rangée méthodiquement où se côtoient des vinyles, des livres et un piano. « Je suis fan de musique, je regarde beaucoup de films, un peu de tout, et je lis surtout des auteurs américains. Je suis particulièrement fan de Bukowski. »

Sur son petit bureau de bois repose un paysage avec des oiseaux par-dessus. « Au début, j’avais tendance à coller trop vite. Maintenant, je prends plus mon temps, je joue avec tous les éléments. J’attends de voir si ça fonctionne vraiment bien. Je fais une pause et puis je reviens. Parce qu’une fois que c’est collé, c’est collé… »

Il affiche ensuite ses oeuvres les plus réussies sur le mur derrière lui. Il y a plusieurs rangées d’images composites d’une vingtaine de centimètres de hauteur et d’une quinzaine de centimètres de largeur. David quitte sa réserve quand il les détaille l’une après l’autre. Visite guidée dans la galerie de son imagination:

La découverte d’une passion

Woman - David Delruelle
Woman – David Delruelle© David Delruelle

« C’est un vieux collage, il date de 2009. En fait c’est le résultat d’un accident heureux. J’avais découpé une page de magazine avec cette femme. En la retournant, j’ai vu cette pin-up de l’autre côté de la page. Il suffisait de suivre sa forme pour le découpage et puis c’était fini, je n’avais plus qu’à coller l’image sur une page blanche. »

David découvre le collage avec les Dadas lorsqu’il est ado. Après avoir étudié le dessin et le graphisme à Saint-Luc, il s’y remet sérieusement. Cette technique artistique lui permet de développer un style personnel: « Mes profs voulaient que je fasse du graphisme – c’est là que j’étais le plus fort – mais je ne veux pas de cahier des charges, je veux garder ma liberté créative.« 

Interprétation infinie

See ? I told you so ! - David Delruelle
See ? I told you so ! – David Delruelle© David Delruelle

« J’essaie de raconter une histoire en une image, en réutilisant des images qui existent déjà. J’aimerais que les gens voient le résultat, lisent le titre de l’oeuvre et se demandent: qu’est-ce que ça veut dire? Là, par exemple, j’ai nommé ce collage See? I told you so! Comme si ce gamin avait dit à son petit frère qu’il y avait cette apparition dans la mer mais qu’il ne le croyait pas. Alors, ils montent ensemble sur cette montagne et le petit frère est tellement étonné qu’il agrippe son ainé et se dit: « Oh putain quoi! »

David reconnait qu’une fois qu’il a réalisé une oeuvre, elle lui échappe. Il ne veut d’ailleurs pas se montrer trop explicite dans sa démarche. À chacun de trouver une interprétation personnelle à son travail; à chacun de rejouer, en toute liberté, la scène de ces enfants qui grimpent sur la montagne dans le théâtre de sa propre imagination.

La mort du Rêve Américain

Hard fall - David Delruelle
Hard fall – David Delruelle© David Delruelle

« J’ai trouvé cette image du Wall Trade Center, puis dans la même journée j’ai trouvé ce cowboy et, tu vois, j’ai eu le déclic directement. Je l’ai inséré entre les deux tours – il est en train de tomber -, c’est le symbole de la chute de l’Amérique. Mais ça ne se passe pas toujours comme ça. S’il est vrai que, parfois, une image m’interpelle, que je la sélectionne et qu’ensuite, je cherche une autre image pour la confronter à la première dans le but de dégager l’idée que j’ai eu, d’autres fois, j’ai une idée bien précise avant de tourner les pages des magazines que je collectionne par centaine.« 

Il n’empêche que David travaille toujours par contraste. En enchevêtrant les images les unes dans les autres, l’artiste les réunit et les oppose dans un même mouvement. Or ce un processus dialectique affranchit l’oeuvre des situations concrètes et variées qu’elle représente. Elle ne commémore plus un passé plus ou moins proche mais confie à l’oreille de l’avenir les sensations persistantes de l’événement. Ainsi, quand David revient sur la catastrophe du 11 septembre, ce n’est pas un acte de mémoire mais un acte de fabulation.

La dernière énigme

The Mask - David Delruelle
The Mask – David Delruelle© David Delruelle

Derrière ce masque se dissimule David Delruelle, un jeune homme aux influences multiples. Notamment la culture américaine qu’il affectionne: « Ma soeur est avocate à New-York, j’adore aller la visiter. » Mais son travail réfère à beaucoup d’autres choses. Dans le désordre: la spiritualité, la peur de la mort, le capitalisme, l’argent, la misère , la violence, les rapports humains, l’univers et l’espace.

On peut le comparer à un artiste américain reconnu et à un artiste portugais prometteur: « Jesse Treece et Hugo Barros pratiquent le collage comme moi. Notre esthétique est comparable quoique leurs oeuvres sont beaucoup plus psychédélique. » On retrouve également chez lui le surréalisme des Dadas: l’envie de bousculer les conventions, les contraintes idéologiques, esthétiques et politiques. Mais, au moment de conclure, ce garçon échappe à toute tentative de définition. Restent ce sourire timide et cet éclat dans ses yeux qui brillent sous ses sourcils foncés.

Les 3 sites internet où retrouver les collages de David Delruelle:

Baptiste Erpicum

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content