Critique

[Critique ciné] Snowden, un biopic passionnant… malgré certaines limites

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

THRILLER | Deux ans tout juste après avoir fait l’objet d’un documentaire oscarisé de Laura Poitras, Citizenfour, Edward Snowden opère son retour sur les écrans sous les traits de Joseph Gordon-Levitt, l’acteur campant l’informaticien américain dans le film biographique que lui consacre Oliver Stone.

Que ce dernier, un cinéaste n’en finissant plus de questionner l’histoire de l’Amérique, son identité et ses engagements, l’auteur notamment de biographies éminemment personnelles de JFK, Nixon et W. (Bush),s’intéresse au destin du lanceur d’alerte tombait pratiquement sous le sens. Employé de la CIA et de la NSA, Snowden devait décider, en 2013, de révéler l’ampleur des programmes de surveillance de masse américains et britanniques, divulguant des informations top secret montrant combien nous étions entrés de plain-pied dans l’ère de Big Brother. Des révélations qui devaient lui valoir d’être inculpé par le gouvernement américain du chef d’espionnage notamment, avec pour conséquence un exil hongkongais auquel allait succéder l’asile en Russie, où il réside toujours.

Un « boy-scout » et sa conscience

Cette histoire inscrite dans l’incertitude du présent, Stone l’envisage sans chercher à dissimuler l’empathie que lui inspire Edward Snowden. Et de faire du brillant informaticien une sorte de « boy-scout », mû avant tout par l’idéal et son attachement aux valeurs de la démocratie, intérêt supérieur motivant ses révélations au Guardian et au Washington Post qui en feront un traître aux yeux de l’Etat américain. Si la vérité n’est sans doute guère éloignée, l’hagiographie non plus, avec pour effet de priver l’individu de véritables aspérités. C’est là, toutefois, la principale limite d’un film auquel le réalisateur imprime la tension d’un thriller en plus de son intérêt intrinsèque, maintenant tout au long de ses 2 heures 15 un cap passionnant.

S’ouvrant sur le rendez-vous qui allait réunir dans le plus grand secret Snowden, la documentariste Laura Poitras et le journaliste Glenn Greenwald à Hong Kong pour des confessions explosives, le film dévide ensuite minutieusement le parcours de Snowden. Soit un patriote zélé qui, à défaut de pouvoir servir dans les forces spéciales de l’armée, trouvera chaussure à son pied dans les services de renseignements, la CIA puis la NSA. Et de découvrir, bientôt, l’étendue d’une cyber-surveillance d’Etat dont les ramifications s’étirent à l’échelle planétaire, au mépris des lois comme de l’éthique -agissements illégaux que sa conscience lui dictera de dévoiler, sacrifiant sa carrière et un poste ultra lucratif à Hawaii avec les conséquences que l’on sait. En vieux routier, Oliver Stone pose limpidement les enjeux dramatiques de l’affaire, réussissant même le tour de force de rendre intelligible un jargon informatique qui pourrait rapidement s’avérer rébarbatif. Explorant les motivations de Snowden, le réalisateur en humanise aussi un tantinet le profil, notamment à travers sa relation avec Lindsay Mills (Shailene Woodley). De quoi donner un surcroit de relief à ce film classique, porté jusque dans le jeu de ses comédiens par cette conviction ayant permis à Edward Snowden de déplacer des montagnes. Solide.

D’OLIVER STONE. AVEC JOSEPH GORDON-LEVITT, SHAILENE WOODLEY, MELISSA LEO. 2 H 14. SORTIE: 02/11. ***(*)

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