Critique

[Critique ciné] Silence de Scorsese, la position du missionnaire

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME HISTORIQUE | Martin Scorsese interroge l’absolu de la foi. Il pose bien le problème, mais peine à trouver l’absolution.

L’Eglise catholique au Japon comprend aujourd’hui plus d’un demi-million de fidèles. Lesquels vivent paisiblement leur foi. Cette minorité (0,5% de la population) n’a pas toujours connu des jours tranquilles au pays du Soleil-Levant. La religion venue d’Europe y est présente depuis le XVIe siècle, suite à l’action de missionnaires jésuites venus d’Espagne et surtout du Portugal. La ville de Nagasaki doit même son existence aux Portugais, venus pour commercer mais aussi pour évangéliser les populations locales. Mais dès 1587 commencèrent les expulsions de prêtres catholiques. Et au siècle suivant, sous la dynastie des shoguns Tokugawa, une violente persécution frappa missionnaires et fidèles sommés d’abjurer leur foi pour sauver leur vie. C’est dans cette époque troublée que Martin Scorsese situe l’action de Silence. Deux Jésuites (joués par Andrew Garfield et Adam Driver) y convainquent leur supérieur réticent à les laisser se rendre au Japon pour y retrouver leur mentor (Liam Neeson), porté disparu, dont certaines rumeurs affirme la mort mais que d’autres font soupçonner d’apostasie…

Un long cheminement

[Critique ciné] Silence de Scorsese, la position du missionnaire

Le grand cinéaste, on le sait, voulut devenir prêtre avant que le 7e art ne prenne le dessus en termes de vocation. En 1988, The Last Temptation of Christ, adaptation du roman de Kazantzákis, avait déjà exprimé son intérêt pour le questionnement du texte évangélique (certains le lui reprochant d’ailleurs violemment) et une vision ramenant à l’humain le vécu de la foi. Silence renoue avec ses interrogations d’alors, nourries de trois décennies supplémentaires de cheminement spirituel intime. À 74 ans, Scorsese signe un film historique dont l’introduction est des plus violentes -une scène de torture à l’eau bouillante y marque l’imagination- mais où l’essentiel du propos s’exprime ensuite essentiellement en mots et en réflexions. Confrontés à la persécution, à la menace sur leur vie et celle de leurs fidèles, les prêtres héros de Silence vont-ils choisir la voie du martyr ou celle de l’abjuration? Le film met près de trois heures à poser le problème, le dilemme, puis à y donner un semblant de réponse. Et les minutes qui s’écoulent sont longues, très longues parfois… Lorsqu’ils plaçaient la spiritualité au coeur de leur cinéma, un Carl Theodor Dreyer et un Ingmar Bergman faisaient de la concision un atout que le Scorsese actuel n’a pas dans son jeu (The Wolf of Wall Street dure 2 heures 59!). Silence ne réussit pas non plus à transmettre l’urgence de ses enjeux, alors même qu’aujourd’hui les Chrétiens du Proche et Moyen- Orient subissent souvent massacres et persécutions. L’austérité du film, louable et justifiable, est malheureusement « poreuse », perméable à un ennui qui pourra sembler pesant à celles et ceux qui ne sont pas directement concernés par les questions de foi. Malgré ses grandes qualités esthétiques et son investissement humain assurément sincère, Scorsese touche bien moins à l’universel que dans ses films situés dans l’orbite du mal, de Mean Streets à Goodfellas

DE MARTIN SCORSESE. AVEC ANDREW GARFIELD, ADAM DRIVER, LIAM NEESON. 2H41. SORTIE: 15/02. ***

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