Critique

[critique ciné] Radiography of a Family Photo de famille

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

La réalisatrice iranienne Firouzeh Khosrovani raconte l’histoire de ses parents dans un documentaire qui prend aussi le pouls de l’Histoire de son pays.

« Ma mère a épousé la photo de mon père. » Étrange formulation… Ainsi commence pourtant Radiograph of a Family, documentaire où l’on apprend en effet bien assez tôt que le père de Firouzeh Khosrovani, la réalisatrice du film, n’était pas présent à son propre mariage. Hossein, père radiologue, et Tayi, mère pieuse, se sont à peine fréquentés le temps d’un été à Téhéran quand ils décident de se marier au début des années 60. Coincé en Suisse, où il étudie depuis des années, le premier ne pourra pas retrouver la seconde en Iran afin de célébrer leur union, la jeune femme se voyant condamnée à dire oui au triste portrait en deux dimensions de son promis. Ironie de la vie, ce gouffre qui les sépare alors deviendra le symbole de leur relation. Quand Tayi part enfin rejoindre Hossein à Genève, le rapprochement physique entraîne en effet un très paradoxal éloignement affectif, qui n’aura de cesse de se creuser. En Europe, le couple partage un quotidien fait de différences et d’incompréhensions, la grossesse de Tayi précipitant un retour en Iran où leur fragile équilibre personnel vole en éclats tandis que s’organise tant bien que mal leur vie de famille…

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La fracture

Photos et brèves vidéos familiales, archives filmées d’époque, lectures de lettres signées Hossein et Tayi, voix off subjective… Firouzeh Khosrovani colle, mixe et monte avec beaucoup d’intelligence, même si de très linéaire manière, fragments intimes et documents plus objectifs pour mieux raconter le délitement inexorable non pas d’un amour, mais d’un rêve d’amour. Moins heureux: elle se pique également par moments de redonner vie à des phrases ou des pensées de ses parents, assez gauchement déclamées par un duo d’interprètes peu investis. Pour faire le lien entre tous ces éléments disparates, la narration du film s’ancre à l’intérieur même de l’habitat familial, revisité par la caméra mobile de la cinéaste, qui y fait constamment retour. C’est le lieu où naissent et s’éteignent tous les souvenirs. Mais ce cadre privé fonctionne aussi à la façon d’une chambre d’écho, d’une caisse de résonance qui reçoit et amplifie les frémissements du monde, ou plutôt d’un pays. Car cette chronique patiente d’une mésentente au long cours entre deux êtres aux aspirations inconciliables se fait bien sûr sur fond d’inévitables bouleversements socio-politiques. À travers lui, c’est toute l’évolution d’un peuple qui se dessine. En ce sens, Radiograph of a Family est bien un énième récit iranien de tension entre tradition et modernité. C’est l’histoire d’un lien cassé. Comme la colonne vertébrale de la mère de Firouzeh Khosrovani sur une radiographie prise par son père après une vilaine chute à ski, image-somme d’une implacable désunion…

Radiograph of a Family

De Firouzeh Khosrovani. 1h22. Sortie: 08/09. ***

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