Critique

[Critique ciné] Gloria Bell: un remake, un vrai!

© Jaimie Trueblood/A24
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | Julianne Moore illumine le remake américain réussi du Gloria de Sebastián Lelio, maître de l’empathie.

« Rien n’est plus important pour moi que de provoquer l’empathie du spectateur envers le ou les personnage(s) au coeur de chaque film »; Sebastián Lelio ne se contente pas d’affirmer ce credo, il l’applique avec une ferveur communicative. Et c’est avec une intensité majeure que nous nous sommes retrouvé chevillé aux évolutions de Ronit (Rachel Weisz) et Esti (Rachel McAdams) dans Disobedience, de Marina dans Una Mujer fantástica, et bien sûr de Gloria dans le film homonyme qui révéla le cinéaste chilien voici un peu plus de cinq ans. C’est avec ce formidable portrait d’une femme de 58 ans assoiffée de vivre et d’aimer, cherchant le plaisir dans un Santiago nocturne, que le cinéaste né en Argentine il y a 45 ans se révéla au Festival de Berlin, avant de conquérir les coeurs dans de nombreux pays. Les États-Unis étant de ceux-ci, l’invitation à venir y travailler ne pouvait pas tarder, l’idée d’un remake de Gloria non plus. Et là où tant d’autres vont se perdre, oubliant leur coeur sous un portefeuille plein de dollars, Sebastián Lelio reste en tout point digne de lui-même, loyal à son personnage créé si magnifiquement par Paulina Garcia et incarné aujourd’hui par une autre grande actrice, Julianne Moore.

Variations personnelles

C’est un remake. Un vrai! Certes déplacé de Santiago du Chili à Los Angeles mais fidèle à tout ce que le film original avait de meilleur. Dans la nuit californienne, Gloria Bell (Moore) se déchaîne sur les dance floors, de club en club, dévorant la vie à belles dents. Avec aussi un petite pointe de panique, comme chez l’homme au masque de la première séquence du chef-d’oeuvre de Max Ophüls Le Plaisir (1952): un homme défiant son âge très mûr et le sentiment de sa mortalité dans une danse échevelée… Gloria veut jouir de chaque jour, de chaque nuit surtout. Sans craindre le regard des autres et prête à une rencontre qui va se produire avec l’apparition d’Arnold (John Turturro). L’amour naît, qui survit à la nuit et emplit le coeur. Mais qui amène aussi d’inévitables complications, dans l’organisation des choses, dans l’engagement intime, la formation de projets et l’inévitable confrontation avec les familles de l’une comme de l’autre (dans le cas de Gloria une mère, deux grands enfants et un ex-mari)… Le moins qu’on puisse écrire à propos de Julianne Moore est qu’elle habite avec ferveur ce très beau rôle. Sebastián Lelio avait bien raison d’évoquer le jazz et un rapport « vital » en parlant, dès l’annonce du projet en mai 2017, de l’interprétation que l’actrice allait donner du personnage. Telle Charlie Parker revisitant le thème admirable de Laura, Moore énonce chaque note connue, puis y ajoute ses variations personnelles, sur le fil du rasoir parfois mais sans jamais quitter la profonde, la souveraine harmonie que son réalisateur maintient jusqu’au dernier plan. Bis repetita placent!

De Sebastián Lelio. Avec Julianne Moore, John Turturro, Michael Cera. 1h42. Sortie: 01/05. ****

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