Critique

[critique ciné] After Blue (Paradis sale): un monde sans hommes

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Plus halluciné que jamais, Bertrand Mandico nous régale d’un nouveau poème kitsch et barré où le western au féminin rencontre la fantasy mutante.

Les Garçons sauvages (2018), son précédent long métrage, prenait pour cadre une île mystérieuse dont la luxuriante végétation était source de plaisirs infinis. Les yeux résolument rivés vers les étoiles, Bertrand Mandico ancre aujourd’hui l’action d’After Blue sur une planète hostile, nouvellement colonisée, où ne vivent que des femmes, Amazones poilues du cou aux rêves caressants et aux désirs humides. C’est là, dans un futur plus ou moins lointain, que Roxy, sorte de Debbie Harry pouponne doublée d’un fier hommage au glorieux passé glam de la bande à Bryan Ferry, se pique de délivrer une dangereuse criminelle ensevelie sous les sables: elle a un troisième oeil sur l’entrejambe et s’appelle Kate… Bush, meurtrière au buisson forcément ardent et aux lèvres possiblement létales. Flanquée de sa mère Zora, Roxy se retrouve alors bannie et condamnée à traquer la hors-la-loi jusqu’aux confins toxiques de leur paradis sale…

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Dans la brume électrique

« Tout est à faire, rien à refaire« : la clé du cinéma de Bertrand Mandico est là, sous nos yeux, dès les premières images d’After Blue. Surimpressions psychédéliques et débauche de fumigènes, éclairage aux néons et filtres de couleurs vives, décors artificiels truffés de pierres luisantes et de cavités moites… C’est bien à la naissance d’un monde en soi qu’il nous convie, noyé dans une brume électrique qui fait tourner les têtes et palpiter les coeurs. Porté par un sens inégalable du baroque saphique et une foi inextinguible dans le pouvoir magique de son artisanat, le réalisateur toulousain multiplie les pures visions de post-apocalypse à l’érotisme pailleté qui irrite et fout les poils dans un même geste de cinéma, forcément halluciné. Bien aidé en cela par la musique de Pierre Desprats, dont les nappes synthétiques orchestrent de violentes montées d’extases sensorielles, il amène le western au féminin sur le terrain de la fantasy mutante et de la science-fiction droguée. Un peu comme si Alejandro Jodorowsky et le fantôme de Jean Cocteau s’étaient donné rendez-vous pour prendre de l’ayahuasca dans une tente de sudation sur la montagne sacrée d’une planète interdite.

De cet univers joyeusement composite, fait de bric et de broc, d’écrins chics et de gadgets en toc, naît l’étrange alchimie d’un film bourré jusqu’à la gueule d’idées punk et de fulgurances plastiques, où les précipités chimiques et les fluides corporels tendent à se confondre. Vibrant et poétique jusque dans ses inévitables longueurs et ses maladresses surjouées (Elina Löwensohn en totale roue libre…), After Blue scintille d’un émerveillement de tous les instants, d’une beauté magnétique au mystère enfantin qui nous fait dire que, oui, décidément, il y a bien quelque chose de génialement primitif dans ce cinéma-là.

After Blue (Paradis sale)

Western/fantasy. De Bertrand Mandico. Avec Paula Luna, Elina Löwensohn, Vimala Pons. 2h07. Sortie: 16/02. ****

[critique ciné] After Blue (Paradis sale): un monde sans hommes

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