Avignon: the show must go on…

© Seldon Hunt

Chaud, chaud à Avignon: sous les 40 degrés, on se bouscule pour voir les spectacles, et pour ne pas hésiter à les huer.

A 40 degrés, comme on dit dans le Sud, c’est « la canicule, la chaleur qui t’enc…! ». On cherche l’ombre et on bénit la clim’. Devant les salles de spectacles, les files sont interminables, plus impressionnantes que la finale de la Coupe du monde, passée sans grande ambiance. « On met la télé pour les touristes », dit le serveur.

Anne Teresa De Keersmaeker, le succès

Le bouche à oreille fait souvent le la: on cherche des places de dernière minute ou on tente vainement de les revendre. Impossible d’en trouver une pour la dernière création d’Anne Teresa De Keersmaeker, intitulée « En atendant » (avec un seul « t » en vieux français): en plein air, au cloître des Célestins, huit danseurs-danseuses dans une mise en scène en lumière du jour et « décor » du lieu, sur une musique du XIVe siècle (« l’ars subtilior »): flûtes, chant et vièle. On n’a pas vu la chorégraphie mais entendu les échos. En résumé: gros succès et standing ovation. Il y a les amoureux de la chorégraphe qui ont applaudi debout, heureux et impressionnés, il y a ceux qui suivent le label ATDK (ils applaudissent aussi debout) et ceux, une minorité, qui s’ennuient en silence et le disent tout bas. A voir en septembre à la Monnaie.

Faut savoir qu’à Avignon, on ne se gêne pas pour invectiver un spectacle: huer, partir bruyamment, en pleine représentation, etc. En Belgique, il n’y a qu’à la Monnaie qu’on a parfois entendu des huées. Pour le reste, on subit poliment et on applaudit du bout des doigts.

Ainsi, le « This is how you will disappear » de Gisèle Vienne. Théâtre-danse-installation-performance? Un peu de tout sur un petit texte creux et prétentieux de Denis Cooper. Un spectateur lance au final: « Cooper arrête d’écrire, va plutôt faire des hosties ». Applaudissements contre huées. Pourtant, l’atmosphère trouble. Dans la scénographie-oeuvre d’une (vraie) forêt, rythmée par la brume, la lumière, et le son, on suit trois personnages (une athlète, un entraîneur et une rockstar), autour d’un crime, avec une étrange menace qui s’installe (dans une forêt qui suit le mouvement). On découvrira Gisèle Vienne au Stuk de Leuven en novembre avec « Showroomdummies ».

5h30 de théâtre-performance

Enfin, après une semaine de festival, Avignon n’a pas donné de coup de cour ni de grande révélation, ni de succès « fracassant ». Sauf peut-être la découverte d’une artiste espagnole « violente »: Angélica Liddell. Avec « La casa de la fuerza » (5h30, entractes compris: Avignon sans spectacle fleuve ce n’est pas Avignon). Angélica Liddell c’est du théâtre-performance, entre Frida Khalo et Sophie Calle, frôlant la suicidaire (et suicidée) Sarah Kane et une scène de Fabre ou d’Abramovic. Le corps prend la parole.

Sur scène, Angélica et ses deux comparses, descendent un casier de bières, fument « comme des turques », font quelques haltères, les seins au vent, crient, rient, pleurent, chantent accompagnées de Mariachis, déversent des sacs de charbons, meurent dessus, ressuscitent. Entracte: on est partis après 3h de spectacle, face à un contenu sans grandes surprises. Ca se résume à la femme souffrante (Angélica) qui s’est fait larguer par un mec (qui la battait) et qui crie son amour, son envie d’être aimée, son envie de se tuer plusieurs fois par jour, cri sur le temps qui passe, exercices de sport acharnés comme survie, etc. etc. Rien d’autre que cette confession gueulante, qui tourne en rond, ronronnant presque, si ce n’était la sincérité touchante de l’artiste, l’ambiance de femmes et de mort façon Amérique latine, la force des images et des actes scéniques où elle ira jusqu’à se scarifier et se faire une vrai prise de sang sur scène. A Avignon, à retardement, Angélica Liddel nous a sortis de la torpeur.

Nurten Aka, en Avignon

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