Il y a de quoi être interloqué en voyant neuf cuillères à café de sucre s’amonceler dans un verre. C’est pourtant l’équivalent de ce qu’on ingère en buvant une simple cannette de Coca-Cola. À l’heure actuelle, 2 milliards d’adultes et d’enfants sont obèses ou en surpoids. D’ici 2030, ce constat vaudra pour la moitié de la planète. Une tragédie. Une tragédie créée par l’homme qui fait prédire à certains l’effondrement de nos sociétés. Manger moins, bouger plus? La prétendue formule magique des années 2000 est un leurre. Il faut ainsi courir une heure pour éliminer une part de pizza. Trois heures et quart pour un hamburger. Contrairement aux idées reçues et à la culpabilisation permanente, la responsabilité ne serait pas individuelle mais bien collective. Symptôme d’une société libérale obésogène qui « déteste le gras mais fabrique des gros« .
Didactique, argumenté et franchement flippant, le documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade est parti à la rencontre de gens qui utilisent les armes du droit, de la science, de la politique pour nous permettre de reprendre le contrôle de nos corps. Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit. Les multinationales de la malbouffe, Nestlé, Coca-Cola, Kellogg’s ou encore PepsiCo, ont mis la main sur nos verres et nos assiettes. Les pays occidentaux ont déclaré la guerre au problème début des années 2000. Mais jusqu’ici en vain.
Un monde obèse décrypte les plans marketing des sociétés qui nous empoisonnent et explique la révolution de notre alimentation: le sucre bon marché qui a remplacé le gras, les produits moins chers, mauvais pour la santé, qui remplissent les caddies des plus pauvres… Chercheurs, docteurs, journaliste du Monde et pasteur qui brise les codes racontent l’ampleur du désastre. La principale « cause évitable » de mortalité prématurée avec le tabac, les gosses de quatorze ou quinze ans traités contre le diabète. Mais tout n’est pas encore perdu.
« Si on n’a pas eu peur de combattre Pinochet, on n’aura pas peur des multinationales, aussi puissantes soient-elles« , avance Guido Girardi. Au Chili, Girardi a milité sans relâche pour protéger les consommateurs du chef d’État milliardaire Sebastián Piñera et de ses amis. « La publicité mensongère viole les droits de l’enfant« , dit-il, n’hésitant pas à accuser de pédophilie (parce qu’elles abusent de nos gosses) les multinationales qui nous envoient vers le cancer, le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Le Chili, où la consommation de boissons sucrées a baissé de 25% en 18 mois, montre la voie et fait des émules en Amérique du Sud. Il serait temps que l’Europe s’en inspire.
Documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade. ****
Lundi 10/2, 21h00, La Trois.