Critique

[à la télé ce soir] Succession (saison 3)

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Un des nombreux mérites de Succession, satire mordante, cruellement drôle et irrésistiblement tragique, est de faire évoluer des personnages pourtant bien installés, dans des zones imprévisibles, de nous étonner toujours plus dans l’outrance de leurs décisions.

Sans l’ombre d’une respiration, les évènements reprennent au lendemain des terribles révélations faites en direct par Kendall Roy (Jeremy Strong) au sujet de la responsabilité de son père Logan (Brian Cox) dans les scandales qui ont secoué, la saison passée, le conglomérat familial Waystar. Kendall devait être l’agneau sacrificiel, le fusible, mais au dernier moment, comme Isaac qui se retournerait contre Abraham, c’est lui qui a planté le couteau. Le parricide symbolique a fait exploser le clan en deux camps. Menacé de représailles et d’une commission d’enquête parlementaire, Logan passe les deux premiers épisodes entre jet privé et chambres d’hôtel, entouré de sa garde rapprochée tandis que Kendall fait le compte de ses alliés et pense sentir le vent tourner en sa faveur. La décision de ses frère Roman (Kieran Culkin) et Connor (Alan Ruck) et de sa soeur Shiv (Sarah Snook) pour trancher le conflit de loyautés précipite sa chute. Il s’embourbe dans une quête d’attention médiatique dévorante, mal conseillé par des proches plus attirés par la lumière et le strass, quand le père, lui, semble retrouver ses billes. Pas pour longtemps.

Au sein de la fratrie, le sort de Shiv prend un tour particulièrement pathétique, alors qu’elle se rend compte qu’elle ne dépassera pas le statut d’ornement au sein d’une organisation qui se définit par sa rage et sa colère virilistes. Au-delà de ce cercle sans vertu, les intrigues secondaires gagnent également en épaisseur, les nombreux conseillers, époux, épouses et autres agents satellitaires dégustant les restes de ce festin toxique concocté par le patriarche Logan, bon pied bon oeil dans la distribution des menues cruautés. Cependant, à aucun moment l’écoeurement, face à tant de noirceur, ne prend à la gorge, tant le ton est jubilatoire. En toile de fond se dessine tout le système capitaliste et sa pérennisation par héritage, avant que les éléments de la disruption n’interviennent, incarnés par deux personnages pivots qui apparaissent en milieu de saison: un CEO génie de la tech (Alexander Skarsgård) et un titan milliardaire qui s’est entiché de l’entreprise Waystar (Adrien Brody).

Un des nombreux mérites de Succession, satire mordante, cruellement drôle et irrésistiblement tragique, est de faire évoluer des personnages pourtant bien installés, dans des zones imprévisibles, de nous étonner toujours plus dans l’outrance de leurs décisions. Si le casting est pour beaucoup dans la surbrillance du récit, l’écriture ciselée des dialogues, la liberté de ton et les méandres ombrageux de la psyché familiale et, pour tout dire, sociétale et économique qui lui servent de cadre font de Succession la série la plus palpitante du moment.

Série créée par Jesse Armstrong. Avec Brian Cox, Jeremy Strong, Kieran Culkin. ****(*)

Lundi 18/10, 20h30, Be 1.

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