Critique

[À la télé ce soir] Où es-tu João Gilberto?

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

En 2011, l’écrivain allemand Marc Fischer sort le livre Hobalala, à la recherche de João Gilberto. Le journaliste teuton est parti avec obsession et obstination sur les traces du légendaire fondateur de la bossa nova.

Tel un Sherlock Holmes en culottes courtes, flanqué d’une Watson homosexuelle mais pas vraiment, Fischer a longuement traqué son héros dans les rues de Rio. Il a rencontré son coiffeur, son ex-femme, des imitateurs officiels, des amis de jeunesse et même le cuistot qui lui préparait son steak au gros sel déposé sur le paillasson et payé par-dessous la porte. En vain. Jamais, il n’est parvenu à mettre la main sur l’insaisissable artiste.

Personnage excentrique et un brin misanthrope, João Gilberto, décédé le 6 juillet 2019, était capable d’abréger ses spectacles quand le public se faisait trop bruyant et se montrait irrespectueux. Il était aussi, surtout, au-delà de son art et de sa voix de miel, réputé pour son perfectionnisme névrotique et sa propension à la réclusion. Il vivait depuis 30 ans dans des chambres d’hôtel, déclinait toute interview et ne sortait que très rarement. Fischer n’a jamais rencontré João Gilberto donc. Il s’est suicidé une semaine avant la parution de son livre. Il venait d’avoir 40 ans.

Expert en musiques classique et brésilienne, le réalisateur franco-suisse Georges Gachot s’est totalement retrouvé dans l’ouvrage et il a suivi les traces de l’auteur défunt. Partant lui aussi à la recherche de l’artiste qui a inventé la bossa nova, a enregistré l’album de jazz le plus vendu de tous les temps (avec Stan Getz et Astrud Gilberto) et aimait chanter dans les salles de bains. On dit de João qu’il parlait avec les chats, discutait avec les morts et qu’il jouait les mêmes chansons sans cesse, qu’il détestait tellement les hommes qu’il ne les supportait pas.

Avec pas mal de jusqu’au-boutisme et des post-it partout dans sa chambre façon Memento, Gachot joue les détectives au son des vagues et de la bossa. Entre le jeu de piste et l’enquête policière, il rencontre le compositeur Marcos Valle, l’ex-femme de Gilberto ou encore son étrange manager. Surprenant, poétique, parfois drolatique, Où es-tu João Gilberto? lit des extraits du livre de Fischer, cherche un homme qui ne veut pas qu’on le trouve et transpire la douce nostalgie qui imprègne chaque note d’une musique sans autre pareille.

Documentaire de Georges Gachot. ****

Dimanche 13/09, 23h45, Arte.

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