Critique

[À la télé ce soir] Mrs. Fletcher

© HBO
Nicolas Bogaerts Journaliste

Que faire de la liberté une fois qu’elle vous ouvre les bras? Que faire de son temps une fois qu’il n’est plus accaparé par l’éducation des enfants? Eve Fletcher, divorcée, tente de répondre à ces questions alors que son fils unique Brendan quitte le nid pour entrer à l’université. Pour ne pas sombrer dans une caricaturale crise de la quarantaine, elle s’engouffre dans tout ce dont elle rêvait secrètement durant ses années de maternage: un atelier d’écriture qui tourne un peu pathétiquement au groupe de développement personnel et, surtout, l’exploration des sites pornographiques, pensant y trouver de quoi alimenter ses fantasmes et une validation du statut de quadragénaire désirable, à travers l’image omniprésente de la MILF. Pendant ce temps, Brendan, tout auréolé de son titre de mâle alpha populaire du lycée, découvre que, dans le monde davantage brassé de l’université, en pleine phase #MeToo, sa tendance à prendre les jeunes femmes pour des objets ne fait pas nécessairement de lui une fine lame, que du contraire.

Sexe partout

L’écrivain Tom Perrotta (The Leftovers), adapte lui-même son roman sur une Amérique des banlieues prise dans le maelstrom des nouvelles définitions de la sexualité et de son omniprésence, tour à tour existentielle, bancale, dictée, exutoire, exploratoire, décevante, divine. En sept épisodes de 30 minutes, la tâche n’est pas simple et le recours aux archétypes et au comique de situation pourrait donner l’impression qu’il aligne les clichés. Or, la série adresse justement ces questions en relevant, avec humour, les pièges qui ankylosent les débats, les injonctions au plaisir et à la conquête, les excès réels ou supposés de la pornographie. La deuxième révolution sexuelle qui se déroule sous nos yeux y trouve un champ d’observation singulièrement jouissif et éclairant: la notion de consentement, l’exploration de ses limites, les identités nouvelles et la sexualité des femmes de plus de 40 ans. Le terrain et la maison familiale laissés libres à Eve lui font confronter fantasmes et réalité, tandis que Brendan se cogne à un monde adulte dont il ne comprend plus les codes. Perrotta parvient à éviter les lourdeurs qui accompagnent d’ordinaire les récits potaches à la American Pie pour délivrer un propos intelligent, subtil, drôle et réaliste, tandis que Kathryn Hahn (Eve) y poursuit avec éclat un chemin d’exploration de la sexualité féminine inauguré avec la trop peu connue et pourtant géniale I Love Dick.

Minisérie créée par Tom Perrotta. Avec Kathryn Hahn, Jackson White, Owen Teague. ****

Jeudi 20/02, 21h00, Be 1.

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