Critique

[à la télé ce soir] Jim Carrey, l’Amérique démasquée

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

1994. Année de record à Hollywood. En trois films, un acteur récolte plus de 700 millions de dollars au box-office. Ces trois longs métrages s’intitulent Ace Ventura, The Mask et Dumb and Dumber. Le comédien en question n’est autre que Jim Carrey…

Film le plus rentable de l’année, deux ans plus tard plus gros salaire jamais donné à une star… Autant que des grimaces, les plus difformes de l’Histoire du cinéma, l’acteur canadien fait des exploits chiffrés une marque de fabrique. Avec son visage élastique et son corps défiant tous les tabous, Carrey est l’un des derniers monstres comiques. Mais pourquoi et comment l’exubérance faite homme, la grimace sur pattes est-elle devenue l’un des hommes les plus drôles du monde? Le triomphe de la comédie régressive à Hollywood ne cacherait-il pas la critique d’une société devenue aussi grossière que lui? Le documentaire d’Adrien Dénouette (son bouquin du même nom a servi de base au docu) et Thibaut Sève tire un portrait intéressant et solidement ficelé du personnage. Il revient sur les scènes de stand-up où il a commencé en imitant des célébrités. Sa première tentative à Hollywood au début des années 80 dans la série The Duck Factory, déprogrammée après treize épisodes. Mais surtout sur l’émission de sketches In Living Color. Carrey y développe son goût pour l’outrance et invente des personnages de plus en plus caricaturaux avec un humour corrosif. In Living Color est l’un des premiers divertissements de Fox Entertainment. Contemporain de l’affaire Rodney King, souvent censuré, il est la satire d’une Amérique violente, raciste. Carrey fait le trait d’union entre les Blancs et les Noirs. Il devient la version trash du Canadien aux imitations gentillettes. Et il va bientôt ringardiser le spectacle de la virilité des Stallone, Schwarzie et compagnie… Si Dumb and Dumber dénonce l’infantilisme de l’American dream ou quand le fric élargit le champ de la stupidité, Menteur menteur mène le procès de l’Amérique en col blanc… Dénouette et Sève racontent un mec qui fait partie de la première génération n’ayant jamais vécu sans téléviseur et un type qui contrôle son image mieux que quiconque. « Son excès, disent-ils, est celui d’un corps tombé dans la marmite des images. »

Aujourd’hui, le cauchemar du Truman Show, deuxième volet de sa trilogie sur la télévision ( The Cable Guy et Man on the Moon), s’est mué en fantasme. Le YouTubeur est devenu un Truman qui ne veut plus quitter les écrans. Mais celui qui n’a cessé de croquer la société blanche sous son profil brutal et discriminateur vit en retrait d’Hollywood et peint.

Jim Carrey, l’Amérique démasquée

Documentaire d’Adrien Dénouette et Thibaut Sève. ****

Vendredi 11/03, 22h30, Arte.

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