Critique

[À la télé ce soir] Bodyguard

© WORLD PRODUCTIONS
Nicolas Bogaerts Journaliste

Pour la frange de l’humanité qui n’est pas abonnée à Netflix, la diffusion télé de Bodyguard, série BBC abritée par Netflix depuis 2018, relève d’une très bonne nouvelle.

Car derrière ses allures de thriller d’action, de néo-noir à l’ère du lockdown sécuritaire, s’y dénonce la mécanique implacable de la manipulation et de la corruption. Richard Madden (Robb Stark dans Game of Thrones) y incarne David Budd, officier des services secrets attaché à la protection des personnalités politiques. Un ancien de la guerre d’Afghanistan, revenu cassé, brisé par un syndrome post-traumatique qui a ruiné son mariage et l’a éloigné de ses deux enfants. Mais un agent si affûté qu’il déjoue un soir, dans le train qui le ramène chez lui, un attentat à la bombe dans des circonstances qui impressionnent sa hiérarchie -une scène d’ouverture de 20 minutes, grossière dans sa proposition initiale mais astucieuse dans sa gestion de la tension, de la surprise et du dénouement. Si bien qu’il se retrouve propulsé à la surveillance rapprochée de la très populaire ministre de l’Intérieur, Julia Montague (Keeley Hawes), en pleine recrudescence de la menace terroriste.

Tout va très vite, parfois un peu trop, dans cette minisérie réalisée par un des as du suspense britannique, Jed Mercurio (Line of Duty: enquêtes internes). Budd, par sa vie dissolue, sa fragilité devenue intrinsèque et sa fréquentation assidue d’un groupe de parole pour vétérans gravement traumatisés, n’aurait jamais dû se retrouver à protéger la femme politique la plus menacée du pays. Encore moins entamer avec elle une relation charnelle secrète. Mais celle-ci s’achève aussi rapidement, prise dans les enchaînements d’événements qui éveillent la suspicion de tous les services de police et de renseignement, lesquels se tirent dans les pattes et se renvoient la responsabilités des attentats qui se succèdent dans la capitale. Apparaissant d’abord en filigrane, la question devient brûlante: qui tire les ficelles de ce qui ressemble de plus en plus à une manipulation? Budd se retrouve au milieu d’un enchevêtrement de conspirations et de complots, le moindre desquels n’est pas celui que semble échafauder Montague pour parvenir au 10 Downing Street, au poste de Premier ministre. Alors que la parano générale s’installe, la série, qui surfe sur les peurs de l’époque, réussit à ne pas tomber dans le piège de la facilité malgré une fin aigrelette. La réalisation parvient à maintenir un équilibre entre le rythme haletant d’un blockbuster et l’analyse au scalpel de la fragilité des émotions humaines, de la dynamique des bêtes traquées et de leurs grands prédateurs. Dans ce registre, Richard Madden exécute une partition quasi sans faute, en robot de chair blessée qui, à force de dégringoler, réapprend à tomber sur ses pattes.

Minisérie créée par Jed Mercurio. Avec Richard Madden, Keeley Hawes, Gina McKee. ****

Mardi 5 mai, 20h15, La Une.

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