Critique

À la télé ce jeudi soir: La révolution des femmes, un siècle de féminisme arabe

La révolution des femmes: un siècle de féminisme arabe © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Passionnant et solidement charpenté, le documentaire de Feriel Ben Mahmoud raconte une histoire aussi essentielle que méconnue. Parce que la position de la femme dans le monde arabe n’est pas une fatalité, pas plus qu’elle ne va de soi.

Que ce soit aux premiers rangs des manifestations, sur les réseaux sociaux, ou tout simplement au volant de leur voiture (elles ne peuvent pas conduire en Arabie saoudite), les femmes ont courageusement et ouvertement lutté ces dernières années pour accélérer les révolutions et faire entendre leur voix dans le monde arabe. De cette fille accrochée à un grillage criant son indignation lorsque les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur les manifestants à Tunis à cette maman marocaine de 25 ans qui s’est immolée par le feu pour protester contre le refus des autorités de lui accorder un logement social parce qu’elle était mère célibataire. Jetant le discrédit sur un certain Mohammed VI. Elles n’en ont pas moins été la cible régulière d’attaques et d’agressions sexuelles au Caire pendant qu’elles se soulevaient aux côtés des hommes. Tandis qu’en Tunisie, alors qu’elles figuraient en première ligne pour exiger la chute de la dictature, le nouveau pouvoir cherche aujourd’hui à remettre leurs droits en cause. Ecartant par exemple cavalièrement la féministe Khadija Cherif, la ministre de la Femme et de la Famille nommée dans la première équipe gouvernementale.

Passionnant et solidement charpenté, le documentaire de Feriel Ben Mahmoud raconte une histoire aussi essentielle que méconnue. Parce que la position de la femme dans le monde arabe n’est pas une fatalité, pas plus qu’elle ne va de soi, la réalisatrice revient sur les pensées égalitaires de Qasim Amin qui, dans son ouvrage La Libération des femmes, déclarait en Egypte, dès 1899, que leur imposer le voile était la plus dure et la plus horrible forme d’esclavage. Se demandant pourquoi on n’exigeait pas des hommes qu’ils dérobent leur visage au regard de celles-ci s’ils craignaient de les séduire. Elle met en lumière le penseur tunisien Tahar Haddad, qui a défendu leur instruction ainsi que leur émancipation juridique et sociale. Signant en 1930 un ouvrage aux allures de manifeste. Ou encore Huda Sharawi, première féministe arabe, qui brisa un tabou en retirant son voile en public et fonda l’Union féministe égyptienne. Elle raconte aussi Habib Bourguiba et le féminisme d’Etat, les actrices de cinéma, les danseuses et les chanteuses comme Oum Kalsoum, Nasser, le poids des frères musulmans, de la télé et du manque d’éducation… Et de rappeler que si la condition des femmes ne s’est (pratiquement) pas améliorée dans des sociétés cadenassées par le sexisme et le patriarcat, la liberté et l’émancipation leur semblaient promises il y a 50 ans, quand leurs pays accédaient à l’indépendance. Indispensable.

  • DOCUMENTAIRE DE FERIEL BEN MAHMOUD.
  • Ce jeudi 5 mars à 00h00 sur France 3.

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