Laurent Raphaël

À bout de souffle

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

L’édito de Laurent Raphaël

Ce n’est pas encore la panne sèche mais il ne faudrait pas tarder à faire le plein d’inspiration. Sans la réserve de films (comme Drive, Les Géants, Carancho…), de romans (D’Eric Reinhardt à Jean Rolin en passant par Richard Russo), de BD (le dernier Etienne Davodeau, le dernier Tardi ou le dernier Craig Thompson) qui alimentent encore notre cerveau moteur, on serait d’ailleurs déjà en train de mourir d’ennui sur le bas-côté de la route… Car oui, on a le sentiment que la créativité bat méchamment de l’aile.

Bien luné ou bien intoxiqué par l’écran de fumée publicitaire, notre esprit ne veut pas le voir, nous glissant chaque fois une raison d’espérer -pense à 3′ de Marc-Antoine Mathieu, tu t’en es pourléché les babines…- quand on tente un diagnostic. Mais les faits sont là, aussi implacables qu’une fermeture de haut fourneau liégeois. En les reliant entre eux, le témoin s’allume brusquement sur le tableau de bord.

Prenez le cinéma. Les bonnes surprises servent de cache-misère à une industrie qui radote. Sinon pourquoi met-elle autant d’énergie à repasser les mêmes plats, plus ou moins assaisonnés pour donner l’illusion de la nouveauté? Quand ce ne sont pas les super héros qui sont appelés à la rescousse (dans la foulée de Green Lantern et de Captain America, le ban et l’arrière-ban de la Marvel seront convoqués en 2012 pour The Avengers), ce sont les remakes (même David Fincher s’y met avec Millénium) et clones (Le pirate des Caraïbes et ses nombreuses succursales) qui jouent les têtes de gondole. Bonjour l’originalité!

Topo identique côté séries télé où le grand truc du moment à Hollywood, c’est de photocopier les feuilletons made in Europe. Pour les améliorer, les muscler, en augmenter l’indice d’octane artistique? Non, pour les reproduire presque scène pour scène, avec juste l’accent yankee en plus. Les écrivains ne mangent pas de ce pain rassis-là, nous diront les plus lettrés. On aimerait le croire. Mais cette petite manie (chez Sportès, Limonov, Liberati et consorts) de se fondre dans le réel -pareil pour la BD-, n’est-ce pas un aveu d’échec de l’imagination? Certains auront beau jeu de claironner que la réalité dépasse souvent la fiction et que ça vaut toujours mieux que l’autofiction. Reste que puiser dans la marmite des faits divers, c’est se prémâcher le boulot. Et quand la fiction tient le volant, qu’est-ce qu’on nous sert en priorité? Les mythes… Avec panache parfois, et même un doigt de folie, mais pour l’effet de surprise, on repassera. La promo du moment sur les planches? Médée.

Autre aveu d’impuissance: le plagiat, pratiqué à haute dose, on en a déjà parlé. Une pratique qui ne relève pas que de la paresse, elle trahit aussi un manque de combustible pour réinventer le monde. On pourrait continuer l’inventaire. On chérira d’autant plus ceux qui carburent au pétrole créatif. Et on croise les doigts pour qu’une station se pointe à l’horizon. Même si sur la carte -pardon, le GPS-, rien n’est indiqué. Mais avec un peu… d’imagination, tout est possible!

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