Floc’h, Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet, d’après Edgar P. Jacobs, éditions Blake et Mortimer
L’Art de la guerre. Une aventure de Blake et Mortimer à New York
127 pages
Il y a 30 ans, Floc’h refusait la reprise de Blake et Mortimer pour ne pas “être Jacobs”. Il signe aujourd’hui l’un des albums les plus originaux de cette série de reprises!
En 1992, lorsque l’idée germe chez Dargaud de reprendre, au plus près, la série des Blake et Mortimer après la mort de Edgar P. Jacobs, Jean-Claude Floch dit Floc’h est le premier à être approché. Normal: l’auteur (avec François Rivière) de Albany et Sturgess mais pas encore de Blitz est alors considéré comme le meilleur représentant de la “ligne claire” telle que dictée par Hergé et Jacobs. Mais non: Floc’h, déjà un peu dandy, va s’offrir le luxe de refuser “J’ai réalisé deux ou trois planches d’essai mais j’ai vite compris que le projet s’accompagnait d’un cahier des charges qui ne me rendrait pas heureux. Je me considérais comme le représentant d’une “post-ligne claire” qui se voulait à contre-courant. Je voulais être Floc’h, pas Jacobs!” Cette vraie-fausse nouvelle série de Blake et Mortimer est devenue depuis et sans lui une référence dans le genre, en faisant travailler plusieurs équipes d’auteurs tenues par un cahier des charges inflexible sur “le dogme jacobsien”, Dargaud a créé une poule aux œufs d’or qui pond presque chaque année! Et jusqu’ici, il n’y a eu qu’une exception “auteuriste” à ces reprises mimétiques: Le Dernier Pharaon sorti en dehors de la collection il y a quatre ans, réalisé par la dream team Schuiten- Van Dormael-Durieux-Gunzig! Un pas de côté lui aussi couronné de succès, et qui explique sans doute l’existence de ce deuxième album hors collection. Car cet Art de la guerre est bel et bien Une aventure de Blake et Mortimer, mais surtout un album de Floc’h. “Parce qu’aujourd’hui, j’ai 30 ans de métier en plus, et je sais qui je suis.”
Floc’h a effectivement pu imposer son propre cahier des charges: “Aucune SF, pas d’Angleterre et un découpage plus dans ma manière de faire, à savoir less is more!” Dont acte: si le scénario de L’Art de la guerre renoue avec le récit d’espionnage (le duo se retrouve à New York en marge d’une réunion de l’ONU pour déjouer un attentat ourdi par l’éternel Olrik), son graphisme tient infiniment plus de lui que de l’autre: trait plus épais, aucun récitatif, planches composées de cinq à six cases maximum rythmées par les dialogues -tout le contraire de Jacobs! L’auteur désormais septuagénaire n’a en tout cas rien perdu de son franc-parler dans l’aventure, égratignant lui-même le principe des reprises, surtout mimétiques: “C’est le fruit d’une association de trois malfaiteurs: l’éditeur, les auteurs et les ayants droit, qui y gagnent souvent plus que les auteurs originaux. Et c’est pour nous un exercice de style qui ne se refuse pas: mon album précédent, La Femme de ma vie, très intime et personnel, a eu un tirage de 2 000 exemplaires, là où ce Blake et Mortimer démarre à 400 000!” Quant à savoir si l’auteur qu’il est pourrait un jour laisser son œuvre à d’autres… “Qu’on me foute la paix quand je serai mort! Ça n’arrivera pas, j’ai suffisamment savonné la planche derrière moi; une œuvre comme Albany demande un minimum de culture, trop sans doute pour des récits destinés au grand public, comme le sont la plupart des reprises.”
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