« Tout va bien » débarque sur Disney+: « Ce qui est beau dans les séries: on y voit le temps à l’œuvre »

“Quand Virginie Efira s’est dite intéressée par le personnage de Claire, tout s’est accéléré”, raconte Camille de Castelnau. © disney+
Nicolas Bogaerts Journaliste

Avec son casting prestigieux où Virginie Efira étend sa percée au monde des séries, Tout va bien s’impose en tragi-comédie familiale ambitieuse et chorale. Rencontre avec sa créatrice Camille de Castelnau, passée par Le Bureau des légendes.

Réunie autour de la maladie d’une petite fille prénommée Rose, une famille dissolue, évaporée dans les non-dits, tente de resserrer les rangs et perd quelques boulons au passage. Pour écrire Tout va bien, nouvelle production française siglée Disney+, sa créatrice Camille de Castelnau, s’est inspirée d’une histoire vraie, qu’elle a habilement transformée en radioscopie de tout ce qui secoue les systèmes en place: famille, travail, patriarcat, diktats du bonheur, de la réussite, du mérite.

Derrière l’histoire de cette famille secouée par la maladie d’un enfant, aviez-vous l’intention d’égratigner les injonctions qui nous accablent autant qu’elles nous définissent?

J’ai voulu montrer des personnages très éprouvés, qui cherchent des moyens de fonctionner dans le monde actuel. Parce qu’effectivement, aujourd’hui, quand arrive un événement d’une portée aussi forte que la maladie d’un enfant, qui peut se permettre de mettre sa vie sur pause? Ce qui m’intéressait, c’était ce moment où toutes les injonctions des personnages volent en éclats. Où notre logiciel, celui d’une certaine méritocratie, selon lequel si on fait les choses bien tout doit bien se passer, ne fonctionne plus. La maladie grave d’un enfant est quelque chose de tellement injuste, effractant, compliqué à admettre et tellement absurde, qu’il est presque impossible de continuer sa vie en y trouvant de la logique. C’est comme si cette absurdité contaminait tout le reste de l’existence. Et puis, comme ces injonctions ont généralement tendance à m’angoisser, c’était une manière de leur régler leurs comptes (sourire).

Vous avez été formée à la Fémis, réputée très cinéma, avant de participer au scénario du Bureau des légendes avec Éric Rochant. Deux écoles différentes?

Faire la Fémis m’a permis de m’affirmer comme scénariste, de franchir les barrières de l’insécurité. C’est vrai qu’au départ, les films d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri sont plus mes références que Jean-Luc Godard ou Pier Paolo Pasolini. Puis, j’ai toujours adoré les séries. Si Le Bureau des légendes a aussi été mon école, il s’agit d’une manière de produire assez similaire, avec de gros moyens à l’écriture et au casting. J’en ai retenu un goût pour le réalisme et une gestion rigoureuse de l’information dans l’écriture d’un scénario.

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Votre série se distingue par une gestion très travaillée des dialogues et des silences. Est-ce aussi un acquis du Bureau des légendes?

Quand j’écris des dialogues, je fais tout pour ne pas m’ennuyer moi-même. Je n’aime pas le “vouloir dire”, quand par exemple les personnages sont forcés de se définir dans leurs dialogues. Les pauses, les regards disent beaucoup plus. Dans une scène, Bernard Le Coq qui joue le grand-père de Rose ne parle pas, il regarde des gens qui passent mais on ne sait pas à quoi il pense. Il le dira bien plus tard. C’est de la compréhension rétrospective, et j’adore ça parce que ça implique le spectateur, qui se sent intelligent. En France, c’est souvent un procédé qui fait peur. Pourtant, c’est hyper important car dans la vie il y a des choses qu’on ne comprend pas tout de suite. Laisser passer du temps avant de donner des éléments de compréhension donne du poids aux choses.

Avec Virginie Efira, Nicole Garcia, Sara Giraudeau, Bernard Le Coq et Aliocha Schneider au générique, Tout va bien arbore un casting associé d’ordinaire à un genre cinématographique. Quel défi ça a représenté pour une série?

C’est quelque chose qui n’existe pas en France mais qui est courant aux États-Unis: Six Feet Under, Succession, Big Little Lies parlent toutes de familles avec profondeur et une grande diversité de personnages. En France, les séries sur la famille sont dans une veine plus légère de comédies, de sitcoms, de sketches. Éric Rochant m’a encouragée à réfléchir à une série. La seule chose dont je voulais parler c’était cette histoire, inspirée de ce qui était arrivé à ma famille, et dont les thèmes m’obsèdent. Il a eu la politesse de me dire que ce serait facile à vendre. J’ai écrit un pilote, qui a convaincu Disney. Quand Virginie Efira s’est dite intéressée par le personnage de Claire, tout s’est accéléré. En France, il y a toujours cette notion selon laquelle le cinéma serait synonyme de qualité, et la télé et les plateformes seraient en dessous. C’est en train de changer. Il y a de la place et des moyens aujourd’hui pour y produire des choses intéressantes. Les séries représentent la durée. Elles n’offrent pas une une évolution linéaire des personnages et des situations, mais dynamique, où le temps fait son œuvre. C’est ça qui est beau dans les séries: on y voit le temps à l’œuvre.

Notre critique de Tout va bien ***(*)

Une série créée par Camille de Castelnau. Avec Virginie Efira, Nicole Garcia, Sara Giraudeau, Bernard Le Coq. Disponible sur Disney+ à partir du 15/11.

Autour de la petite Rose, hospitalisée pour une maladie grave, tout un monde gesticule et se prend les pieds dans les encombrants de l’existence. Sa maman Marion (Sara Giraudeau), de plus en plus dissociée, laisse à la tante Claire (Virginie Efira) le soin d’organiser la ronde des visites, malgré le caractère manifestement brouillon de cette dernière. La grand-mère Anne (Nicole Garcia), autrice à succès de livres de développement personnel, essaie d’imposer un optimisme de perlimpinpin alors qu’elle-même occulte les accusations d’agression sexuelle de son éditeur et amant secret. Rythmée par une réalisation qui prend le temps de pointer les failles et les atermoiements de ses personnages, Tout va bien montre comment la tragédie révèle nos courages, nos lâchetés et nos abandons, tutoie le poignant de This Is Us sans verser dans l’excès de mélo. Camille de Castelnau dissèque avec conviction les systémiques intimes et collectives d’une famille bourgeoise mais formidablement touchante, à l’image d’un casting de grosse production où Virginie Efira continue d’impressionner par sa maîtrise.

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