Critique | Séries/Télé

« Sambre »: une analyse édifiante des violences faites aux femmes

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© What's Up Films
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Titre - Sambre

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Une série créée par Alice Géraud, Marc Herpoux, Jean-Xavier de Lestrade

Quand et où - Disponible sur Auvio

Casting - Avec Alix Poisson, Olivier Gourmet, Noémie Lvovsky

Nicolas Bogaerts Journaliste

La minisérie Sambre transforme un fait divers en leçon de vulgarisation pour comprendre les enjeux de la violence envers les femmes.

Entre 1988 et 2018, de part et d’autre de la frontière franco-belge, a sévi le “violeur de la Sambre”. Durant 30 ans, Dino Scala a répété un modus operandi à la rigueur clinique pour violer des dizaines de femmes, agressées systématiquement aux abords de la même route. Son arrestation aura défié tous les obstacles posés par la lenteur d’une justice débordée, une police inadaptée, un imaginaire collectif biaisé.

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La journaliste Alice Géraud adapte à l’écran, en compagnie de Marc Herpoux, l’enquête qu’elle a réalisée dans son livre Sambre: Radioscopie d’un fait divers (publié début 2023 aux éditions JC Lattès). Très intelligemment, et avec une empathie qui accompagne chaque séquence difficile, chaque zone d’ombre dévoilée, elle articule les épisodes autour des points de vue différents de l’affaire: Christine (la victime), Irène (l’institution judiciaire), Arlette (la politique locale), Cécile (l’analyse scientifique), Winckler (l’institution policière) et enfin Enzo (le violeur, figure du chef de famille bien sous tout rapport). Ils enrichissent patiemment une problématique noueuse, lourdement stratifiée, de perspectives éclairantes, tant sur les faits que sur leurs enjeux globaux. Chaque étape des révélations, des obstacles aux élucidations, chaque élément de contexte contribue à saisir l’ampleur de la tragédie individuelle et collective, sociale, politique et intime, qui se rejoue sous nos yeux. Déjà très présent sur la question avec la minisérie Laëtitia (France 2, en 2020), adaptée du récit que l’auteur Ivan Jablonka avait fait du meurtre de Laëtitia Perrais en 2011, le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade réitère l’exploit de mettre en scène la plus exigeante définition du polar: examinant en creux le fait criminel, le suspense et les silences forcés, il met au jour une plaie béante, une faillite commune qui frappe les femmes de plein fouet. Ici, la violence qui leur est faite, le viol, l’aveuglement systémique d’une société plus prompte à fantasmer des monstres qu’à se donner les moyens de chercher les vrais auteurs. Qu’il s’agisse ici d’un homme répondant aux critères du bon père de famille est une reconnaissance de toutes les alertes que les spécialistes et expertes de la question lancent depuis longtemps.

Si l’ensemble ne parvient pas toujours à éviter les pièges des rythmes fragiles, la performance nuancée du casting XXL, la simplicité édifiante des dialogues et la volonté palpable de transmettre de manière accessible un message complexe, révélateur des manquements et des stigmates du patriarcat, assurent la réussite de cette minisérie qui appuie là où ça fait mal.

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