Ethan Hawke incarne, dans The Lowdown, un bouquiniste et journaliste obsédé par la vérité. Une série très «coenesque» et… irrésistible.
The Lowdownde Sterlin Harjo
DISNEY+
Avec Ethan Hawke, Keith David, Kyle MacLachlan. Huit épisodes d’environ 50 minutes. Disponible à partir du 26 décembre.
La cote de Focus: 4/5
Incarné par un impeccable Ethan Hawke toujours aussi passionné par la littérature depuis Le Cercle des poètes disparus (1989), Lee Raybon vend des livres plus ou moins rares à Tulsa. Si les exemplaires en seconde main de L’Attrape-coeurs et de Sur la route ne nourrissent pas son homme et difficilement son employée, Lee est moins intéressé par l’argent qu’obsédé par la vérité. Journaliste à ses heures perdues dans un Oklahoma rongé par la pauvreté et la corruption, il met constamment en rogne les ranchers, les riches et les racistes de la région. Alors que Dale Washberg (Tim Blake Nelson, O’Brother), le mouton noir de la famille sur laquelle il a récemment publié un article, vient de se suicider et que son frère Donald Washberg (Kyle MacLachlan, Twin Peaks) brigue le poste de gouverneur, Lee décide de mener l’enquête. Sterlin Harjo signe avec The Lowdown une comédie noire imprévisible, violente et déjantée où l’humour décalé fait des ravage et Peter Dinklage une apparition savoureuse. Pour les amateurs des frères Coen et de David Lynch, de Jim Thompson et de Raymond Chandler.
Il a une dégaine pas possible avec son chapeau, ses lunettes de soleil, sa barbichette et sa vapoteuse. Un accoutrement qui en fait un étrange croisement entre le Dude, Hunter S. Thompson et un Blues Brother… Dans The Lowdown, nouvelle série du créateur, réalisateur, producteur et scénariste amérindien Sterlin Harjo avec lequel il avait déjà travaillé sur Reservation Dogs et bosse sur une adaptation de sa propre BD Indeh: A Story of the Apache Wars, Ethan Hawke incarne le journaliste citoyen Lee Raybon. Un bouquiniste fauché de Tulsa obsédé par la vérité qui écrit des articles à ses heures perdues et va se retrouver dans de sales draps en enquêtant sur la plus riche famille du coin.
Lee Raybon se considère comme un truthstorian, un véristorien… Un historien de la vérité. «C’est l’une des premières choses qu’on entend sortir de sa bouche, raconte Ethan Hawke dans les colonnes du quotidien québécois Le Devoir. Ce que j’aime dans cette expression, c’est qu’elle réunit la vérité et l’histoire, et je trouve ça beau. Parce que si le sol sous nos pieds n’est pas solide, on ne sait pas où on est ni dans quelle direction aller.»
A l’ère des réseaux sociaux, de la communication directe et des largesses prises aux quatre coins du monde avec la réalité et les faits, l’information est plus que malmenée. Pour Hawke, producteur exécutif de la série en plus de camper son personnage principal, une conversation sur ce que l’information signifie en 2025 est devenue nécessaire. A fortiori aux Etats-Unis, où les médias les plus sérieux sont constamment discrédités par le pouvoir, où de nombreux livres sont interdits en bibliothèque et où la censure du camp trumpiste se fait de plus en plus menaçante. L’acteur distingue le statut des journalistes aujourd’hui et celui qui était le leur dans les années 1970. Quand Alan J. Pakula sortait Les Hommes du président. «A cette époque, être journaliste était vu comme quelque chose d’honorable, comme un rempart de protection pour la société. C’était pris au sérieux», dit-il encore au média canadien.
«Raconter l’histoire d’un journaliste, ça veut dire montrer ce que signifie en être un: dire la vérité, faire des recherches, rapporter l’information au public, lui fournir des faits exacts pour qu’il puisse vivre sa vie, avancer, s’en sortir,» poursuit dans la même publication Sterlin Harjo au sujet de The Lowdown, qui se déroule dans l’Oklahoma duquel il est originaire.
«Il y a chez Lee une fierté d’être un journaliste à l’ancienne qui a vérifié les faits et qui passe tout au peigne fin, ligne par ligne, commente Hawke au sujet de son personnage. On sait qu’il n’a pas fermé l’œil pendant trois nuits pour ça. […] Mais il ne se contentera jamais d’écrire simplement sur Internet que Donald Washberg (NDLR: incarné par le Kyle MacLachlan de Blue Velvet et Twin Peaks) est un sale type.»
«La vérité est une chose noble pour laquelle il vaut la peine de se battre.»
Toute ressemblance…
Si le personnage de Lee Raybon a été tout spécialement imaginé pour celui qui l’incarne, il est librement inspiré de Lee Roy Chapman, un historien autodidacte et journaliste citoyen, artiste et activiste américain dont les recherches ont remodelé la compréhension contemporaine de l’histoire raciale de Tulsa. Sterlin Harjo l’a rencontré quand il collaborait avec This Land Press, un média local. «J’ai travaillé avec lui pendant quelques années sur des vidéos et je l’accompagnais dans sa camionnette blanche. Nos discussions portaient souvent sur le massacre racial et l’histoire des peuples autochtones. Je voyais comment il se battait pour que la vérité soit rétablie.» Chapman s’est suicidé en octobre 2015, à l’âge de 46 ans. «Quand il a disparu, ce qui m’a le plus manqué, c’est son esprit. Ce qui comptait pour lui, c’était la vérité. Il se fichait du reste. L’argent ne l’intéressait pas. Il était une véritable épine dans le pied de l’establishment.»
Sterlin Harjo voit Tulsa comme un miroir du pays tout entier. Convaincu qu’on peut lire l’histoire de la ville comme une cartographie de l’histoire des Etats-Unis. Toutes ces réflexions peuvent sembler fort sérieuses pour la série néonoire, drôle, violente et imprévisible qu’est The Lowdown. Les dangereuses et improbables aventures d’un père un peu trop foireux qui fourre son nez partout et cherche le meilleur moyen d’être un type bien dans un monde corrompu. Les déboires d’un homme à femmes et cowboy moderne qui s’en prend plein la tronche en se mettant à dos riches politiciens et suprémacistes blancs. «La vérité est une chose noble pour laquelle il vaut la peine de se battre. On va se relever. Le journalisme continuera de nous aider à avancer, tout comme l’art, qui nous tire vers le haut.»
A voir aussi actuellement…
Nepobabyde Siri Seljeseth et Henriette Steenstrup
BETV
Avec Nicolai Cleve Broch, Henriette Steenstrup, Kristin Grue. 6 épisodes de 30 minutes. Tous les jeudis à 20h30 dès le 18 décembre sur Be 1.
La cote de Focus: 3,5/5
Les séries norvégiennes se portent et s’exportent bien. Merci pour elles. Si A Better Man, qui décrypte l’engrenage du masculinisme, a reçu le prix de la meilleure série, de la meilleure performance individuelle et le prix des lycéens lors de la dernière édition du festival Canneseries, Nepobaby y a décroché le prix du meilleur scénario et le prix spécial d’interprétation. Nepobaby est le nouveau bébé d’Henriette Steenstrup, créatrice et interprète principale de Pørni. Alors qu’elle pense avoir été invitée à un faux rendez-vous par ses copines pour fêter son enterrement de vie de jeune fille, Emma (Vivild Falk Berg) se retrouve face à un avocat et ceux qu’elle apprend être ses frères et sœurs. Issue de la classe ouvrière, née d’un père inconnu, elle découvre être la progéniture d’un magnat du transport maritime norvégien récemment décédé et ainsi hériter d’une partie de sa fortune. Débordante d’enthousiasme, de simplicité et de bonne humeur, Emma fera connaissance avec la famille dysfonctionnelle ultrafriquée qui est la sienne. Cousine, en plus légère et drôle, de Succession, Nepobaby se distingue par son humour décalé, son ton frais et grinçant. Le feel good venu du nord…
J.B.