Critique | Séries/Télé

Les Italo-Américains à l’écran: une brillante analyse pour dépasser les clichés

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Les Soprano © getty

Régis Dubois et Dorian Oliva, éditions LettMotif

Les Italo-Américains à l'écran

280 pages

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Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Largement caricaturée tout au long de l’Histoire du cinéma, la communauté italo-américaine fait l’objet d’un essai captivant.

Enseignant et auteur marseillais passionné par des questions d’idéologie et d’intégration, Régis Dubois a écrit notamment sur Spike Lee, Martin Scorsese et le cinéma noir américain. Il s’associe aujourd’hui avec un jeune diplômé en réalisation aux racines siciliennes, Dorian Oliva, dont le mémoire de fin d’études portait sur la question de la représentation des Italo-Américains. Ensemble, ils se proposent de retracer minutieusement la longue histoire de la présence de cette communauté sur les écrans, qu’elle se manifeste sous forme de personnages ou bien d’artistes, officiant devant et derrière la caméra.

En s’appuyant d’abord sur l’Histoire de l’immigration italienne en Amérique à la fin du XIXe siècle, ils reviennent sur le racisme virulent, les mesures discriminatoires et les nombreux stéréotypes dont a été victime la population d’origine transalpine outre-Atlantique. Engagée dans un difficile parcours d’intégration, qui s’étalera sur plusieurs générations, celle-ci a de ce fait longtemps souffert d’une représentation très archétypale sur les écrans, allant en gros du pauvre immigrant au sale bandit. Il faut attendre les années 1920 pour qu’une première star émerge de la population “ritale” américaine: le séduisant Rudolph Valentino, bien sûr, premier grand “latin lover”, autre stéréotype donc, du cinéma US. Les Italo-Américains sont encore souvent confinés à des rôles secondaires, pittoresques ou de machos brutaux dans des films de gangsters durant l’âge d’or hollywoodien. Mais, dans l’après-guerre, les rôles plus positifs se multiplient, tandis qu’un intérêt beaucoup plus marqué pour la culture italienne se propage dans la société. De grands noms tels Frank Sinatra, Ernest Borgnine ou Anna Magnani se font une place devant la caméra, dans la foulée de la percée de réalisateurs comme Frank Capra, Frank Borzage et Vincente Minnelli. Il faudra néanmoins véritablement attendre les années 70, décennie de la consécration, avec l’émergence du Nouvel Hollywood, pour voir apparaître une génération de réalisateurs, d’acteurs et de personnages d’un genre nouveau, emmenée par Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Brian De Palma, Robert De Niro et Al Pacino. Puis ce sera au tour de Michael Cimino, Sylvester Stallone, John Travolta, Abel Ferrara, John Turturro ou encore Quentin Tarantino…

En prise sur toute la complexité de la question des représentations à l’écran, l’ouvrage, rigoureux, mais capable aussi de suivre des intuitions souvent géniales, mixe regard cinéphile, dimension historique et lecture sociologique avec énormément de pertinence. S’appuyant sur de nombreux exemples filmiques tout en allant également fureter du côté des séries, avec l’incontournable cas des Sopranos, objet d’un décryptage identitaire absolument brillantissime, il analyse les clichés pour mieux les comprendre et les déconstruire, signant là un hommage vibrant à toute une communauté, envisagée dans sa passionnante diversité.

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