Les 2 séries à suivre cette semaine: Ne dis rien et The Sticky
Deux séries ont retenu notre attention cette semaine: une plongée au cœur du conflit nord-irlandais côté IRA et un vol de… sirop d’érable pour près de 12 millions d’euros.
Ne dis rien
Adaptée d’un best-seller du journaliste Patrick Radden Keefe, Ne dis rien retrace quarante ans de conflit nord-irlandais vu du côté de l’IRA. Une série importante, qui ravive des plaies encore béantes dans les deux camps.
Il y a bien eu l’attachante Derry Girls, mais sinon, le conflit nord-irlandais a peu été traité au cinéma ou à la télévision. Avec Ne dis rien, on entre directement dans ses entrailles (et tant pis si l’odeur de soufre y est tenace). Adaptée du best-seller du même nom signé Patrick Radden Keefe, star US du journalisme littéraire, la série traverse quarante ans de ce que les locaux désignent par l’euphémisant “The Troubles”. Comme le livre, tout commence en 1972, avec l’enlèvement brutal de Jean McConville, 38 ans, sous les regards terrorisés de ses dix enfants. Puis, voici Dolours et Marian Price, deux jeunes sœurs fraîchement engagées dans la lutte au sein de la branche armée de l’IRA (l’Armée Républicaine Irlandaise). Elles y côtoieront ses membres influents, comme Brendan Hughes ou un certain Gerry Adams. Wikipedia ne sera pas de trop pour épauler le spectateur au travers de ces neuf épisodes de drame historique -ne serait-ce que pour rappeler les 800 ans de colonisation de l’Irlande par la Grande-Bretagne et préciser que Bloody Sunday n’est pas qu’un tube de U2… Les acteurs (dont l’omniprésent Anthony Boyle), formidables, sont tous du cru (délicieux accent inclus). Pour fâcher le moins de monde possible, la production, elle, est américaine. La série s’attache au point de vue des membres radicalisés de l’IRA, c’est pourquoi on suit, hébété, la préparation des attentats, le sort réservé aux traîtres, à la pauvre Jean et aux autres “disparus”…
Après une scène de braquage de banque très amateur filmée de façon quasi-tarantinesque, on aurait pu craindre une romantisation de la lutte terroriste des membres de l’IRA. Car on peut, par moments, ressentir de l’empathie pour ces personnages (pour le sens de la loyauté de Brendan -The Dark- Hughes, pour les “Sisters of Terror” (Dolours et Marian) lors de leur emprisonnement); mais ce sont ces mêmes personnages, alors aveuglément dévoués à cette cause qu’on leur serine être plus grande qu’eux (la lutte contre la ségrégation des catholiques en Irlande du Nord et pour la réunification de l’Irlande), qui regretteront et se questionneront plus tard sur le sens de ce conflit semblant ne jamais vouloir prendre fin. Il faut les voir, plus âgés et désormais tourmentés, s’autoriser une thérapie gratuite via les Belfast Tapes, cette tentative d’histoire orale du conflit. Et il y a aussi le cas Gerry Adams: cerveau de l’IRA, puis politicien sans qui le processus de paix n’aurait peut-être pu être enclenché, qui jure continuellement, dans la réalité et jusque sur les écrans pré-générique de fin d’épisodes, n’avoir jamais au grand jamais fait partie de l’organisation radicale… Encore un peu d’histoire: le jour de la réunification devrait finir par advenir, mais comme l’assure Radden Keefe à la fin de son livre: “La vraie question est de savoir s’il serait arrivé de toute façon, sans l’intervention violente de l’IRA.” Une question qui effleurera tout spectateur de cette série aussi fascinante qu’éprouvante. On n’aura pas vu grand chose de plus marquant cette année. Marcel Ramirez
Ne dis rien ****(*), de Joshua Zetumer, sur Disney+
Avec Lola Peticrew, Hazel Doupe, Anthony Boye
The Sticky
Si un pavé d’avertissement n’était pas disposé en ouverture du premier épisode, on n’y croirait tout simplement pas, tant l’histoire relève du cirque. Et pourtant, cette comédie sombre et loufoque est bel et bien inspirée de faits réels: le vol et le recel, en 2012, d’un immense stock de sirop d’érable, cet or national, d’une valeur de 18 millions de dollars canadiens (12,5 millions d’Euros).
Au cœur de tout cela, Ruth Landry est une cinquantenaire brut de décoffrage, à la tête d’une entreprise d’extraction du divin sirop. Elle est au bord de la rupture. Pressée par des procédures de plus en plus contraignantes qui l’étranglent financièrement, elle décide de passer du côté de la flibuste. Forgeant une alliance improbable avec une figure de la pègre de Boston et un membre de la police des frontières québécois, elle entreprend la mainmise sur la réserve nationale du précieux liquide. C’est sans compter le flair d’une policière de la ville prête à faire du zèle pour que les pancakes ne se mangent tout secs le dimanche. Les péripéties de ce trafic peu commun vont mettre la région, ses services d’ordres et ses morgues sens dessus dessous.
Dans le sillage ostensible de Fargo, The Sticky est peuplé de tronches, de bras cassés, de revanchards, et de quelques rares figures de vertu, qui finissent dépassés par les événements qu’ils ont contribué à provoquer. Un caméo fameux de Jamie Lee Curtis (par ailleurs co-productrice de la série) rappelle également qu’au sommet de la pyramide des malfrats trône toujours un super prédateur, prêt à rafler la mise ou collecter une vieille dette. L’outrance est au rendez-vous des scènes d’actions et de gags qui scandent le récit comme autant de tics nerveux. Mais si l’amusement et la surprise sont là, le peu d’attention portée à la profondeur et l’ambiguïté des personnages empêche parfois d’apprécier comme il se doit cette comédie pleine d’irrévérence. Nicolas Bogaerts
The Sticky ***(*) de Brian Donovan et Ed Herro, sur Prime Vidéo.
Avec Margo Martindale, Chris Diamantopoulos, Guillaume Cyr.
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