Critique | Home cinéma

Home cinema : Drive My Car, de Ryûsuke Hamaguchi

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Titre - Drive My Car

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Ryûsuke Hamaguchi

Quand et où - Disponible en DVD et en VOD

Casting - Hidetoshi Nishijima, Tôko Miura, Masaki Okada

Durée - 2h52

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Présenté en compétition l’an dernier au festival de Cannes, Drive My Car, de Ryûsuke Hamaguchi, devait en repartir avec le Prix du scénario. Le réalisateur japonais n’aurait pas usurpé la Palme d’or, tant le film se révèle un accomplissement artistique majeur. Auteur précédemment de Senses et Asako I & II notamment, Hamaguchi y adapte trois nouvelles d’Haruki Murakami empruntées au recueil Des hommes sans femmes : celle qui prête son titre au film, et en constitue le socle, relevée d’éléments de Shéhérazade et du Bar de Kino. Drive My Car s’ouvre sur un long prologue, débutant dans le clair-obscur sensuel d’un appartement tokyoïte où un couple vient de faire l’amour. Moment où Oto, la femme, commence à raconter à Yûsuke, son mari étendu à ses côtés, l’histoire d’une jeune fille s’introduisant en cachette dans l’appartement du condisciple dont elle est secrètement éprise, laissant systématiquement une trace de son passage… Elle est scénariste pour la télévision, il est acteur et metteur en scène de théâtre, et ce rituel ponctue traditionnellement leurs ébats amoureux. Mais si le lien les unissant est à l’évidence profond – c’est encore la voix d’Oto, enregistrée sur une cassette, qu’il écoute lui donner la réplique dans Oncle Vania qu’il répète pendant ses trajets dans son antique Saab rouge –, l’harmonie présidant à leur couple se voile d’ombre lorsqu’il lui découvre fortuitement une liaison avec un jeune acteur. Alors que Yûsuke choisit de ne rien en dire, Oto disparaît soudainement, emportée par une hémorragie cérébrale.

© National

L’impression de planer

Deux ans plus tard, on retrouve Yûsuke en résidence au théâtre d’Hiroshima pour y monter la pièce de Tchekhov. La direction lui a assigné une chauffeuse, l’énigmatique Misaki Watari, qui le pilotera pendant ses allées et venues. La présence, parmi les comédiens venus auditionner, de Koji Takatsuki, l’amant de sa femme défunte, ajoute au trouble du metteur en scène, amené à s’interroger sur le passé et ses vérités douloureuses, tandis qu’entre lui et la conductrice, la parole bientôt se délie.

S’écartant sensiblement de Murakami, Ryûsuke Hamaguchi a choisi d’accorder une place plus grande à la création de la pièce et au travail des acteurs. Le texte de Tchekhov n’en apparaît pas moins comme le miroir des réflexions intimes de Yûsuke, cœur d’une mécanique narrative alternant silence et conversations pour s’insinuer au plus profond de la nature humaine. Et Drive My Car de tenir du film-somme, embrassant l’amour, la mort, le deuil, la culpabilité, l’acceptation et une hypothétique reconstruction dans un mouvement dont la limpidité fait écho à la fluidité de la conduite de Misaki, dont Yûsuke observera: «Elle démarre et freine si souplement que j’ai l’impression de planer.» Grand film.

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