Diastème et Alex Beaupain font équipe pour Joli joli, comédie musicale dans les règles de l’art qui offre son premier grand rôle à Clara Luciani, à qui décidément rien ne résiste.
Hasard du calendrier (ou pas), une brise mélodique semble souffler sur le cinéma français, portée par les deux reines de la nouvelle chanson française, Juliette Armanet (à l’affiche de Partir un jour d’Amélie Bonnin, qui faisait l’ouverture du Festival de Cannes en mai dernier), et Clara Luciani, héroïne de Joli joli, comédie musicale rétro à découvrir sur Proximus Pick à l’occasion de la Fête de la Musique.
Si Partir un jour convoquait nos souvenirs de jeunesse à grand renfort de reprises «gentrifiées» de tubes de variété, Joli joli joue la carte des compositions originales, signées par l’aussi talentueux qu’incontournable Alex Beaupain. Un pas sur le côté pour le compositeur attitré de Christophe Honoré, qui s’essaie donc à un registre de prime abord plus léger, mais aussi pour Diastème, écrivain, dramaturge et réalisateur, également musicien qui, après s’être distingué au cinéma avec Un Français et Le Monde d’hier, deux films qui traitaient sous différents prismes de la prégnance de l’extrême droite dans la société française, pratique donc ce grand écart artistique avec une certaine souplesse. «Alex et moi sommes amis de longue date, explique Diastème. Nous avions déjà travaillé ensemble, mais jamais vraiment écrit. Quand je lui ai proposé d’écrire une opérette qui s’appellerait Joli joli, ça l’a fait rire, et on s’est mis au boulot, lui derrière son clavier de piano, moi d’ordinateur. On a fait ça à l’ancienne, avec l’idée qu’on ne voulait surtout pas faire une parodie ou un pastiche, il n’y a aucun cynisme dans le film.»
«On ne voulait surtout pas faire une parodie ou un pastiche.»
Les deux hommes trouvent dans la forme très balisée de l’opérette, mais aussi dans la comédie, une vraie forme de liberté. «Passer par le biais de la chanson offre une liberté d’écriture folle. Un dialogue amoureux chanté a quelque chose de très naturel, je trouve, alors que souvent dans les films, les dialogues amoureux peuvent paraître un peu superficiels. Et puis, les chansons installent très vite une grande complicité avec le spectateur, qui permet d’aller assez loin dans les thématiques qu’on aborde. Finalement, même si l’atmosphère générale est à la légèreté, il y a toujours aussi une certaine forme de mélancolie. Quant à la forme de l’opérette, d’ailleurs à l’origine de celle de la comédie musicale telle que l’ont réinventée les Anglo-Saxons, elle est très simple et assez proche des comédies classiques de Molière ou Marivaux: il faut un récit en quatre actes, un coup de théâtre ou un retournement de situation à la fin de chacun d’eux, si possible raconter des histoires d’amour contrariées et, surtout, il faut que cela finisse bien. A partir de là, on peut laisser aller son imagination.»
100% studio
Il y a le cadre formel de la structure narrative, mais aussi le cadre temporel, puisque Joli joli est un film d’époque, qui commence le soir du réveillon, le 31 décembre 1976. «J’avais très envie que le film parle aussi d’une certaine nostalgie du cinéma des années 1970, notamment les cinémas français et italien. De plus, l’année 1977 est assez particulière musicalement, parce qu’elle démarre avec la musique californienne un peu hippie, avant que ne débarque le punk, puis les débuts du disco. Sans la présence de téléphones portables, c’est aussi un terrain de jeu plus praticable pour orchestrer des quiproquos indispensables au récit. Et il était possible de s’amuser avec la mode de l’époque.» Il est clair que l’équipe s’en est donné à cœur joie dans la direction artistique, qu’il s’agisse des décors, des costumes ou des coiffures.
Le film a été intégralement tourné en studio, une nouveauté pour Diastème. «Quand on fait une comédie musicale en France, on s’inscrit forcément dans une histoire. Alex est très fan de Jacques Demy en général; moi, j’aime en particulier Les Demoiselles de Rochefort. Mais je crois que notre principale référence, c’était plutôt les films de la MGM des années 1950 et 1960, même s’il y a de nombreux autres clins d’œil dans le film. La constante, néanmoins, c’est le studio. Cela demande beaucoup de travail en amont, puisqu’on doit absolument tout recréer, mais on peut aussi aller très loin. J’ai trouvé ça extrêmement agréable. Ça a un côté théâtral qui me parle, et très artisanal aussi. Je ne voulais pas d’effets spéciaux. Il y a notamment certaines scènes où l’on passe sans transition de la parole au chant. Je souhaitais que la lumière change sur le plateau sans qu’il y ait de coupure, on a donc dû beaucoup découper, et répéter en amont, pour ces changements d’ambiance, mais aussi pour les chorégraphies collégiales.»
Il a fallu répéter, en outre, car les principaux interprètes s’essayaient à de nouvelles disciplines. Si on avait pu apercevoir Clara Luciani en 2019 dans Le Choc du futur, réalisé par l’un des fondateurs du groupe Nouvelle Vague, c’est ici un premier «premier rôle» pour la musicienne, qui endosse avec agilité ce costume sur mesure de star du cinéma rêveuse. Face à elle, des acteurs et actrices venus plutôt de la comédie, qui chantent beau et juste: Laura Felpin, José Garcia, Vincent Dedienne, Grégoire Ludig, et surtout William Lebghil, «une vraie surprise. Quand on a découvert sa voix, on s’est dit que c’était un merveilleux cadeau pour le film.» Dès les enregistrements en studio, avant le tournage, Diastème et Alex Beaupain s’épaulent pour aider chacun à trouver le ton juste, placer les curseurs sur le bon barreau d’une échelle qui se déploie entre mélancolie et allégresse pop. «Après avoir fait quelques films vraiment sombres, voire violents, aller chercher de la légèreté avec tous ces talents s’est avéré très satisfaisant. Il n’est pas impossible que j’aie pris goût à la comédie, à cette rétribution immédiate quand on est dans la salle, des rires et des émotions. Cela m’a fait beaucoup de bien d’entendre le public, et lorsqu’on me dit que le film donne envie de tomber amoureux, je me dis qu’en ce moment, alors que l’actualité est toujours plus dure, c’est toujours ça de pris.»
Joli joli
Disponible sur PROXIMUS PICK
Comédie musicale de Diastème. Avec Clara Luciani, William Lebghil, Laura Felpin, José Garcia. 1h56.
La cote de Focus: 3/5
Elias ne sait plus quoi écrire. Quand il rencontre Léonore, actrice dont il ignore la gloire, il revit soudain. Comme on est dans une comédie musicale, les amours sont inévitablement contrariées, d’autant que de nouveaux protagonistes entrent en scène, complétant le ballet de personnages définis autant par leur charme que par leur fonction: l’écrivain fauché, la star montante, le producteur, l’assistante, le metteur en scène. Tout ce petit monde finit par se retrouver sur un plateau de cinéma à Cinecittà, où entre grandes déclarations et faux-semblants, les sentiments s’emmêlent et les illusions tombent. Si le ton est léger, les cœurs sont souvent lourds. Cette néo-opérette drôle et mélancolique séduit malgré quelques longueurs grâce à son casting malin, son amour du genre et quelques numéros particulièrement enlevés.