Becoming Karl Lagerfeld: Daniel Brühl dans la peau de l’insaisissable couturier

Andreas Ilegems Journaliste

Dans la série Becoming Karl Lagerfeld -initialement intitulée Kaiser Karl-, Daniel Brühl endosse avec panache le rôle de l’insaisissable couturier.

Karl Lagerfeld est décédé en 2019, à l’âge de 85 ans. Daniel Brühl se demande parfois ce que l’icône allemande de la mode aurait pensé de sa manière de l’incarner s’il était encore en vie. « Il dirait probablement « Fantastique! », mais est-ce que ce serait sincère? Karl ­Lagerfeld était passé maître dans l’art de créer une image extravagante de lui-même. » La série Becoming Karl Lagerfeld, dont Daniel Brühl porte le rôle principal, suit les premières années du créateur à Paris, depuis ses modestes débuts en 1972 en tant que couturier de prêt-à-porter issu d’une riche famille allemande, jusqu’à sa rivalité avec Yves Saint Laurent et sa relation avec le dandy français Jacques de Bascher, son unique grand amour.

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« L’éternel désir de Lagerfeld d’être aimé, apprécié et respecté constitue un thème central de la série, explique Daniel Brühl. Karl faisait une quantité inhumaine de choses en même temps, mais c’était aussi un solitaire. Il avait d’innombrables contacts, lisait huit livres à la fois, entretenait une rivalité à la Mozart-Salieri avec Yves Saint Laurent et a fait construire un château pour son bien-aimé. 
Comment est-ce possible de faire tout ça? Comment ­pouvait-il être constamment sous les feux de la rampe et en même temps créer dans la solitude? Et puis, il n’a aimé qu’un seul homme, ce qui est plutôt inhabituel à une époque de sexe, de drogues, de rock’n’roll et d’amour libre. Karl Lagerfeld n’est pas seulement l’une des personnalités allemandes les plus prolifiques, polyvalentes et célèbres, mais c’est aussi un homme très mystérieux. Cette contradiction me fascine énormément. Je voulais montrer sa vulnérabilité et ses faiblesses, ce qu’il faisait, pensait et ressentait dans ses nombreux moments de solitude, lorsqu’il ne jouait pas à être « monsieur parfait ». »

Daniel Brühl se souvient très bien de son unique rencontre avec le couturier, il y a presque 20 ans, lors d’une séance photo à la Berlinale. « J’ai rencontré le personnage que la plupart des gens ont en tête lorsqu’ils pensent à Lagerfeld: un vieil homme très mince, élégant, avec des cheveux blancs, un catogan et des lunettes de soleil noires. Très professionnel, avec un sens aigu de l’humour, mais aussi un homme qui portait une armure. Il m’a toujours fait penser à Andy Warhol. » À ce moment-là, l’acteur venait de percer avec son rôle principal dans la comédie allemande Goodbye Lenin! (2003). « Karl m’a tout de suite mis à l’aise et a entamé une conversation intéressante, pleine d’esprit et décontractée. Il a aussi pris des photos de moi, avec d’autres acteurs allemands et il a dit à son équipe: « N’est-ce pas l’acteur de Goodbye Lenin? » Apparemment, il a ensuite emmené tout le monde dans un cinéma berlinois pour voir le film. Il n’y a pas très longtemps, quelqu’un m’a enfin envoyé ces photos et j’en ai une accrochée chez moi. »


À 45 ans, Daniel Brühl, fils d’un réalisateur de documentaires allemand et d’une enseignante espagnole, affiche un CV impressionnant. Karl Lagerfeld n’est pas le premier personnage historique à y figurer. Dans All Quiet on the Western Front (2022), dont il est également producteur exécutif, il incarne l’homme politique allemand ­Matthias Erzberger. Dans Rush (2013), il jouait le champion autrichien de Formule 1 Niki Lauda. « Dans le cas de Niki Lauda, qui était encore en vie pendant le tournage, il fallait vraiment que je le rencontre parce qu’il y avait très peu de matériel sur lui. Pour Karl Lagerfeld, après sa mort, j’ai trouvé beaucoup d’images, de photos et d’interviews, même des années70. J’aurais peut-être même trouvé ça un peu intimidant s’il avait été encore en vie aujourd’hui. »

Un contact en particulier s’est avéré éclairant pour préparer son rôle: celui avec l’historien de l’art et photographe français Patrick Hourcade. « C’était un ami de longue date de Lagerfeld et il lui a consacré une biographie (Karl: No Regrets, sorti en 2021, NDLR). Lorsque j’ai rendu visite à ce vieux monsieur dans son appartement parisien, il m’a dit: « Lève-toi, marche, montre-moi tes mains! Les ongles doivent être plus longs. Karl aimait griffer les gens quand il était nerveux. » J’ai trouvé ça génial. On ne trouve pas ce genre de détails dans un livre. Quand j’ai montré ma démarche à Hourcade, je lui ai demandé: « Que pensez-vous d’un toréador, d’un torero? » Il m’a répondu: « Oui, oui, c’est ça: c’était un petit matador ». »


Quand on lui demande quels sont ses points communs avec Karl Lagerfeld, Daniel Brühl répond: « J’ai lu trois biographies sur lui et elles se contredisaient toutes les trois. En partie parce qu’il a beaucoup menti, il a inventé tellement de versions de sa vie. J’ai beaucoup d’empathie avec lui sur ce point parce que moi aussi j’ai inventé des histoires quand j’étais enfant pour me rendre plus intéressant. À l’école, par exemple, j’ai dit à mon prof d’arts plastiques que mes parents étaient très proches du peintre Joan Miró, parce qu’il venait du même village espagnol, en Catalogne, où nous avions une maison de vacances. C’était complètement absurde. Alors oui, le désir de créer son propre monde parfait, de ne pas s’ennuyer dans la réalité, j’ai trouvé ça très attachant chez lui. Bien sûr, il y aura des gens qui n’aimeront pas la version que je donne de lui. Mais avec l’assurance de Karl, je dirai alors: « Ça ne me fait ni chaud ni froid ». (rires) »

Becoming Karl Lagerfeld: une série créée par Isaure Pisani-Ferry, 
Jennifer Have et Raphaëlle Bacqué. Avec Daniel Brühl, Théodore 
Pellerin, Alex Lutz. Disponible sur Disney+ à partir du 07/06.


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