À la télé cette semaine: Viva la Vulva, Ascenseur pour l’échaffaud, De Dag…

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Notre sélection de films, séries, documentaires à voir du 2 au 8 mars en télévision (et/ou en streaming).

LA LIBRAIRIE FRANCOPHONE

Émission présentée par Emmanuel Khérad. ***(*)

Samedi 2/3, 23h05, La Trois.

À la télé cette semaine: Viva la Vulva, Ascenseur pour l'échaffaud, De Dag...
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Émission radio diffusée depuis plus de douze ans sur France Inter, la RTS, la RTBF et Radio Canada, La Librairie francophone fait aujourd’hui l’objet d’une déclinaison télé. Comme le résume son présentateur Emmanuel Khérad, l’idée est simple: « Permettre aux téléspectateurs de voyager et de rêver avec les auteurs et les artistes en plateau. Le tout en images avec des mots, de la musique et de la convivialité… »Pour la première de ce rendez-vous mensuel (il est hebdomadaire sur les ondes) qui passe en revue l’actualité du livre francophone, Khérad accueille le parrain de l’émission, Dany Laferrière, pour son Autoportrait de Paris avec chat. Un roman dessiné et écrit à la main. Il invite l’historien parisien Ivan Jablonka, qui raconte son enfance en camping-car, ses vacances enchantées, enchanteresses et nomades. Et pour la séquence jeunesse, il fait la causette avec Anne Goscinny, la fille de René, qui a créé avec Lucrèce un personnage féminin de BD faisant inévitablement penser au Petit Nicolas de son papa. Coups de coeur, coups de gueule… Entre l’intervention de libraires qui ne ménagent pas les invités et celle d’un pré-ado venu raconter un livre qui lui a plu, Khérad prend son temps, disserte avec les auteurs, curieux et bienveillant. Il parle avec Jean Van Hamme, le créateur de Thorgal, XIII et Largo Winch, des massacres au Kivu (il en a fait une BD) et s’offre quelques petites parenthèses musicales. Un rendez-vous intéressant malgré quelques lenteurs. J.B.

DE DAG

Série créée par Jonas Geirnaert et Julie Mahieu. Avec Jeroen Perceval, Liesa Van der Aa, Sophie Decleir. ***(*)

Lundi 4/3, 20h30, Be 1.

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On sait, depuis La Casa de papel, qu’une histoire de casse ne se résume plus à l’adage « prends l’oseille et tire-toi ». Il faut bien plus désormais pour attirer le public et le maintenir en suspension volontaire de crédibilité. De Dag s’essaie avec une certaine réussite à l’exercice, même si son emploi régulier de l’artillerie lourde ne le classe pas dans la catégorie des séries subtiles dans leur scénario et délicates dans leurs portraits humains. Soit. Par une glaçante journée hivernale comme la Belgique, pardon, la Flandre en connaît, une petite banque est le théâtre d’une prise d’otages dont les ressorts tentaculaires vont vite dépasser le simple crime crapuleux. Jonas Geirnaert et Julie Mahieu ont en effet choisi de raconter l’événement par les prismes successifs et entremêlés de ses acteurs et observateurs: des points de vue de la police, des négociateurs, des bandits et de leurs victimes, les faits ne se passent pas toujours de la même manière et, surtout, livrent leur part de vérité qui n’est pas celle du voisin, encore moins de l’opposant direct. En croisant le dispositif de The Affair avec le style ombrageux des polars scandinaves, De Dag crée un Rubik’s Cube narratif particulièrement tarabiscoté et gonflé à l’action et à l’émotion brutes. Réalistes, rythmés et joués par un ensemble cohérent de comédiens, les épisodes s’aventurent dans les histoires complexes de ces personnages qui viennent alimenter, chacun à la mesure de ses fantômes et de ses ressources, une machine à suspense efficace mais sans grande surprise. N.B.

GILDA

Film noir de Charles Vidor. Avec Rita Hayworth, Glenn Ford, George Macready. 1946. ****(*)

Lundi 4/3, 20h55, Arte.

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Le hasard vous joue parfois de ces tours! Prenez Johnny Farrell (Glenn Ford), joueur professionnel qui s’est lié d’amitié avec le propriétaire d’un casino (George Macready) de Buenos Aires. Un jour, son ami lui présente sa nouvelle épouse, la très spectaculaire Gilda (Rita Hayworth), et la confie à sa garde. Gilda n’étant autre que l’ex-fiancée de Johnny! De quoi souffler sur les braises d’une passion ancienne… Tout est mythique dans le film de Charles Vidor, de l’interprétation glamour et sulfureuse de Rita Hayworth à l’exacerbation des désirs et sentiments des personnages, en passant par l’admirable photographie de Rudolph Maté. « There NEVER was a woman like Gilda!« , proclamait l’affiche du film. Des millions de spectateurs furent d’accord et firent un triomphe d’un film noir aux retombées parfois très inattendues, comme quand le prénom de l’héroïne fut inscrit sur une bombe atomique testée sur l’atoll de Bikini… L.D.

KEPLER(S) (saison 1)

Série créée par Jean-Yves Arnaud et Yoann Legave. Avec Marc Lavoine, Sofia Essaïdi, Isabelle Renauld. ***

Lundi 4/3, 21h00, France 2.

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La carrière artistique de Marc Lavoine a démarré à la télévision. C’était en 1981 dans la série Pause-café, une apparition au côté de Véronique Jannot, trois ans avant ses débuts dans la chanson. Quelques rôles sur le petit écran -et d’autres, nombreux, au cinéma- plus tard, le voici sous les traits du flic Kepler, un rôle qui lui permet d’exprimer pleinement ses parts d’ombre. Car Kepler est aux prises avec des troubles de la personnalité. Pas simple lorsqu’on est diligenté sur des enquêtes musclées, comme cette descente qui tourne mal et qui enferme le policier dans une mémoire traumatique où surgissent des fantômes, des monstres et des souvenirs d’enfant brutalisé et d’où il ressort transformé en bête à tuer, froide et clinique. Le dispositif, très théâtral, plombe un peu l’action mais donne à Lavoine une matière de jeu intéressante. Muté au Havre, Kepler enquête avec Alice Hadad (Sofia Essaïdi), sur une sordide affaire de disparition, mêlée à un trafic de biens achetés aux migrants de Calais. Le contexte sociétal abrasif donne de l’épaisseur à un scénario qui tire un peu trop de (grosses) ficelles à la fois, comme celle qui mène Alice à rejouer la guerre des Anciens et des Modernes avec une mère dépassée et forcément gauchiste. Globalement, Lavoine et Essaïdi s’en sortent bien dans un polar qui avance sur le fil du rasoir. N.B.

RELIGIEUSES ABUSÉES, L’AUTRE SCANDALE DE L’ÉGLISE

Documentaire de Marie-Pierre Raimbault et Éric Quintin. ****

Mardi 5/3, 20h50, Arte.

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Avec les actes de pédophilie dont les victimes osent de plus en plus librement parler, c’est l’un des crimes ignobles dont l’Église catholique doit pour l’instant répondre. De nombreuses religieuses ont été et sont encore aujourd’hui abusées sexuellement par des prêtres. Des ecclésiastiques qui jouent de leur pouvoir et de leur autorité pour commettre les actes les plus ignobles. Certains détournant même les textes des Évangiles pour les justifier.

Des religieuses qui dénoncent avoir été privées de leur chasteté, d’autres qui avouent avoir dû pratiquer des fellations à des prêtres… Le documentaire de Marie-Pierre Raimbault et Éric Quintin met le doigt sur des pratiques plus courantes qu’on le pense et par-dessus le marché dissimulées par les autorités religieuses dans toute leur habituelle hypocrisie.

Des femmes mariées à Dieu violées par les messagers du Seigneur et généralement chassées de leur communauté quand elles se retrouvent enceintes… Les faits ont beau être dénoncés depuis plus de 20 ans, les prêtres restent encore et toujours protégés par la justice du Vatican. Religieuses abusées…est le résultat d’une enquête mondiale de deux ans. Il donne la parole à des victimes et d’anciens bourreaux, des curés soucieux de faire la lumière sur ces agissements et des proches du pape François qui reconnaissent le fléau…

Raimbault et Quintin reviennent sur des rapports de missionnaires documentant dès les années 90 les abus et les viols mais soigneusement rangés au placard par Rome. Ils épinglent quelques-uns des prédateurs et décortiquent leur mode de fonctionnement, les religieuses éduquées à l’obéissance, leur honte et leur peur du parjure (« dénoncer un prêtre… »). Ils évoquent les lettres au chef de l’Église et les tentatives de suicide. Alors que le pape François ose parler de tueurs à gages quand il évoque ceux qui pratiquent l’avortement, des prêtres, sur tous les continents, ordonnent d’interrompre la vie qu’ils ont engendrée, parfois en dehors du délai légal. Solidement renseigné et glaçant. J.B.

GOLDA MEIR, PREMIER MINISTRE

Documentaire de Sagi Bornstein, Udi Nir et Shani Rozanes. ***(*)

Mardi 5/3, 23h40, Arte.

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C’est une des personnalités politiques les plus impressionnantes du XXe siècle et l’une des plus méconnues. Golda Meir a été Premier ministre de l’État israélien entre 1969 et 1974, durant une époque charnière de son Histoire (tensions avec l’Égypte et occupation du Sinaï, débuts de la colonisation en Cisjordanie, prise d’otages de Munich, guerre du Kippour, diplomatie active). Son héritage politique est, aujourd’hui encore, célébré ou contesté. « Si je devais choisir entre avoir une bonne réputation mais ne plus être en vie et vivre avec une mauvaise réputation, je choisirais la deuxième option. Cela n’est pas par préférence mais par obligation », répondra-t-elle. C’est une des séquences clés de ce documentaire qui s’efforce, à l’aide d’images d’archives et de commentaires d’acteurs de premier plan de l’époque (aides de camp, conseillers politiques, agents du Mossad, historiens…) de cerner la personnalité de Golda Meir et de comprendre ce qui animait ses décisions dans un contexte menaçant l’existence même d’Israël. Sa politique pugnace, ultra- défensive et répressive à l’égard de ses ennemis, son refus de comprendre les revendications des Arabes comme de la jeunesse libérée de son propre pays dessine des lignes de fracture qui lézardent aujourd’hui le Proche-Orient. Un récit rigoureux, contrasté et passionnant de bout en bout. N.B.

ASCENSEUR POUR L’ÉCHAFFAUD

Film policier de Louis Malle. Avec Jeanne Moreau, Maurice Ronet, Georges Poujouly. 1958. ****(*)

Mercredi 6/3, 21h05, La Trois.

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Les boulevards parisiens parcourus d’une caméra sensuelle, en noir et blanc sublime. Et la trompette de Miles Davis, qui dévore la nuit. L’atmosphère du film de Louis Malle est une des plus immédiatement fascinantes jamais créées à l’écran. Le cadre est idéal pour suivre un couple d’amants assassins. Florence (Jeanne Moreau) et Julien (Maurice Ronet) sont décidés à éliminer le mari gênant de la première, également patron du second. Le crime sera commis par Julien. Mais celui-ci oublie sur place une pièce des plus compromettantes. Il lui faut retourner la chercher, mais une panne de courant dans l’immeuble va venir tout compliquer… Le suspense, prenant, est au rendez-vous d’un Ascenseur pour l’échafaud captivant de bout en bout. Un classique du polar noir à la française, qui remporta le prestigieux prix Louis-Delluc et marqua des générations de cinéphiles. L.D.

VIVA LA VULVA

Documentaire de Gabi Schweiger. ***(*)

Mercredi 6/3, 23h00, Arte.

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« Un jour, on m’a dit que c’était si laid que même le diable en avait peur », confie une intervenante. Omniprésent dans le langage familier, en la plupart des cas et des régions synonyme d’insulte (« con » n’est-il pas l’une des plus répandues de la langue française?), le sexe féminin reste encore et toujours profondément tabou. Sa diabolisation et sa dévalorisation en sont les preuves flagrantes. Entre fascination pour le pouvoir de donner la vie et terreur du désir au féminin (« le désir, c’est l’autonomie et donc le pouvoir »), la vulve effraie plus que ne le pense et ne l’admet la gent masculine. Au coeur de ce documentaire réalisé par l’Allemande Gabi Schweiger, les organes génitaux de la femme et leur représentation dans l’art, la religion et même certaines théories scientifiques reflètent le contrôle exercé par les sociétés sur la sexualité féminine.

Le tabou des règles, la pratique de la nymphoplastie, cette mutilation qu’est l’excision, les mythes autour de l’hymen et de la virginité… La réalisatrice, actrice et autrice Ovidie (Porno Manifesto), une avocate autrice et imam, une historienne des cultures ou encore une musicienne engagée partagent leurs réflexions sur le sujet, se demandent ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, questionnent aussi le rôle de la pornographie ou encore la pratique de l’épilation intégrale aujourd’hui considérée comme une mesure hygiénique…

Documenté et impertinent (il évoque notamment le moulage de vulves en plâtre, écho au travail de Cynthia Plaster Caster sur les sexes phalliques de rock stars), Viva la Vulva s’inscrit dans une programmation spéciale d’Arte. Une série de films, de docus, d’émissions spéciales étalées sur une grosse quinzaine de jours pour célébrer comme il se doit la Journée internationale des Femmes (le 8 mars, petit rappel pour les distraits). Entre une soirée consacrée à Coco Chanel, avec le film d’Anne Fontaine et un portrait documentaire dit par Lambert Wilson, un nouveau docu sur Cecilia Bartoli et la rencontre d’une jeune fille d’origine afghane qui a échappé par le rap aux traditions patriarcales et au mariage forcé (Sonita ou la valeur d’une vie), la chaîne franco-allemande diffusera un concert hommage aux divas orientales telles qu’Oum Kalthoum et Fairuz. Elle s’intéressera aux esclaves de Daech, à des détenues biélorusses qui font du théâtre et présentera Thamos, roi d’Égypte, une oeuvre méconnue de Mozart qui prend vie sous forme d’un dessin animé et sous la direction de Laurence Equilbey, l’une des rares femmes à la baguette dans le monde très masculin des chefs d’orchestre. Programmation complète et séances de rattrapage sur arte.tv.

Julien Broquet

VELVET BUZZSAW

De Dan Gilroy. Avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Zawe Ashton. 1h53. **(*)

Disponible sur Netflix.

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Cinq ans après l’excellent Nightcrawler, Dan Gilroy retrouve Jake Gyllenhaal pour Velvet Buzzsaw, une production Netflix. Le contexte est différent cependant, le film croquant le milieu de l’art contemporain de Los Angeles, secoué après que le commerce lucratif des toiles d’un artiste inconnu récemment décédé entraîne des morts en cascade… Mix de thriller horrifique et de satire, Velvet Buzzsaw ne convainc vraiment sur aucun des deux tableaux, trop prévisible et dénué de véritable enjeu d’une part; trop caricatural de l’autre. Reste un casting mastoc (Rene Russo, John Malkovich et autre Toni Colette composent, en plus de Gyllenhaal, diverses facettes de ce microcosme), quelques traits assassins et l’une ou l’autre scène saisissante -à peine de quoi tuer l’ennui. J.F.Pl.

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