À la télé ce soir: « Blue Velvet » de David Lynch et deux documentaires originaux
Classique de David Lynch, « Blue Velvet » est à (re)découvrir ce soir sur Arte. À moins que vous ne soyez davantage friands de documentaires. À vos zapettes!
Blue Velvet ****(*)
Lundi 22 janvier à 22 h 55 sur Arte.
Thriller de David Lynch. Avec Kyle MacLachlan, Dennis Hopper, Isabella Rossellini. 1986.
Après l’échec cuisant de son adaptation de Dune, David Lynch revient, en 1986, à un cinéma éminemment personnel, tissé de ses visions inquiétantes et radicales sous haute tension schizophrénique. Matrice indiscutable de Twin Peaks, de Lost Highway et de Mulholland Drive, Blue Velvet vient gratter l’inconscient et réveiller de sombres peurs enfouies dans les tréfonds de l’âme. Le film situe son action à Lumberton, bourgade en apparence proprette et innocente de Caroline du Nord, où Jeffrey Beaumont (Kyle MacLachlan), un étudiant attiré par le mystère, découvre une oreille coupée en décomposition dans un champ. Son enquête va peu à peu l’amener à pénétrer dans un monde étrange, sale et nocturne, grouillant de pulsions primitives… De la musique vénéneuse d’Angelo Badalamenti à l’interprétation cintrée de l’inoubliable Dennis Hopper, tout est culte et inconfortable dans ce fascinant thriller néo-noir qui invite à explorer l’envers cauchemardesque de la surface lissée de toutes choses. – N.C.
La Forêt gourmande ***
Lundi 22 janvier à 22 h 40 sur France 3.
Documentaire de Valérie Manns.
Jusqu’à Louis XIV, des forêts cultivées par les hommes nourrissaient des régions entières mais la pratique tomba en désuétude avec la révolution industrielle. Ouvrant l’ère de la monoculture et des immenses champs aux allures de steppes désertiques… Il y a une quinzaine d’années, un jeune infirmier s’est mis en tête de remettre au goût du jours ces bois nourriciers et de planter en Bourgogne des arbres du monde entier. Inspiré par un voyage en Indonésie où il aperçut des paysans cultivant une forêt, où il vit une nourriture diversifiée pousser sur les arbres, les lianes et les arbustes, Fabrice Desjours a expérimenté et hybridé des espèces pour qu’elles s’adaptent à nos climats tempérés. Comparée à une forêt classique, celle de Fabrice stocke quatre fois plus de carbone. Elle peut décontaminer les sols (certaines espèces se nourrissent en aspirant des métaux lourds), générer de la pluie, favoriser le retour de la biodiversité… Le documentaire de Valérie Manns suit le bonhomme dans son combat pour convaincre les paysans, les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics. Desjours forme des gens, explique son projet dans des lycées agricoles et invite des chefs de renom à cuisiner avec ses fruits et légumes méconnus et rares. Un documentaire instructif et dans l’air impérieux du temps. – J.B.
Man in Black ***
Lundi 22 janvier à 00 h 50 sur Arte.
Documentaire de Wang Bing.
Un vieil homme se promène entièrement nu au balcon d’un grand théâtre vide. Il descend lentement les escaliers sur des bruits de train. Ambiance sonore à la Hitchcock. La caméra zoome sur son corps fatigué et meurtri. De dos et de face. De la tête jusqu’aux pieds. L’octogénaire semble s’élancer comme un sauteur à ski. Il se laisse tomber au sol et marche à quatre pattes. Gros plans sur ses parties les plus intimes… Il semble travailler, se protéger des coups. Puis entonne un chant énigmatique et profond, se roule par terre et se met à pleurer. “Je ne veux pas y penser”, lâche-t-il comme premiers mots après quasiment un quart d’heure. Interrompant sa danse funeste, il s’assied et commence à jouer du piano.
Âgé de 86 ans, Wang Xilin est l’un des compositeurs chinois les plus importants de sa génération. Pendant la Révolution culturelle, il a été victime de graves persécutions. Interné, passé à tabac, torturé… “La destruction des corps est le mode de punition politique par excellence, explique le réalisateur Wang Bing. J’ai donc voulu montrer le corps qui a traversé toutes ces épreuves.” Toujours dans le plus simple appareil, Wang Xilin raconte pourquoi il a rejoint l’Armée populaire de libération en 1949. “Nous étions pauvres. Ça faisait une bouche de moins à nourrir pour mes parents.” Il y est resté huit ans. Puis il précise comment il est devenu chef d’orchestre et un élément actif de l’édification socialiste avant de prendre ses distances avec le parti. Expulsé de partout, Wang Xilin a dû quitter Pékin en 1964. “Persécuté de 26 à 28 ans, j’en ai fait des cauchemars toute ma vie”, confie-t-il.
Selon lui, le peuple chinois est un cortège de prisonniers. Un cortège dont on ne voit pas la fin. Au son de ses symphonies, il revit les événements qui hantent sa mémoire. Il se souvient des humiliations, partage le destin tragique de ses frères et sœurs, et raconte le triste sort (réservé à beaucoup d’intellectuels) de son prof de piano, qui s’est fait fusiller à 49 ans. Il explique aussi comment il a retranscrit en musique le marquage au fer rouge (“les aigus du violon pour le grésillement et le xylophone pour la fumée”).
Wang Bing, qui avait fait appel au compositeur il y a une quinzaine d’années pour la bande originale de son film Le Fossé (musique qu’il a au final abandonnée), avait commencé à tourner un documentaire à la forme plus traditionnelle avant d’adopter ce dispositif suggestif et poétique. Fabriqué à Paris, au Théâtre des Bouffes du Nord, Man in Black (du nom d’une de ses symphonies inspirée par une nouvelle du Victor Hugo chinois Lu Xun) retrace de manière singulière le parcours d’un artiste que le régime n’a pas épargné et un demi-siècle d’Histoire chinoise. – J.B.
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