Titre - Daddy
Mise en scène - Marion Siéfert
Compagnie - Marion Siéfert
Date - Du 07 au 10/02
Lieu - Au Théâtre National, Bruxelles
Casting - Avec Émilie Cazenave, Lou Chrétien-Février, Jennifer Gold, Lila Houel, Louis Peres, Charles-Henri Wolff
Marion Siéfert aborde un sujet fort: la prédation numérique et sexuelle d’une classe aisée sur une autre qui l’est beaucoup moins.
Daddy, c’est un spectacle fleuve. Plus de 3 heures. C’est surtout un spectacle coup de poing. Parce que le sujet l’est: l’exploitation sexuelle de mineures sur le Net, sur fond de lutte des classes. C’est un spectacle qui copie presque les codes de l’opéra, du théâtre classique, et qu’on a vu pour notre part à l’Odéon, coquet cocon parisien pour théâtre (très) bourgeois. Ça commence, après une projection-prologue de Fortnite, par une entrée à la Tchekhov, mais moderne… Cherchez le clash du trash. Un repas de famille. Une très grande table, des parents dépassés façon Gilets Jaunes -mère infirmière en réanimation, père vigile-, ados qui s’en foutent et veulent fêter, un ami qui baise par-ci, par-là et qui se “plaint” des jeunes femmes de la nouvelle génération qui font des fellations à tour de bras. Mara -incroyable Lila Houel, 15 ans-, assise à la table, cadette de la famille, s’ennuie ferme mais joue la petite fille sage et rejoint sa chambre. Son père s’inquiète pour elle: il a surpris une conversation à caractère sexuel sur son téléphone.
Mara est régulièrement contactée par un Sugar Daddy, soit un homme (beaucoup) plus âgé, plus fortuné, qui lui commande sur le Net des services. Au début, ça semble anodin, mais la situation, doucement, s’enlise, s’embourbe. Mara veut devenir actrice. Le Daddy la crée nouvelle femme. L’emprise est là, tenace. Le spectacle est basé sur une expérience de vie: l’autrice et metteuse en scène Marion Siéfert a été très proche d’une personne victime d’abus sexuels enfant. Elle a entamé un travail documentaire, recueillant des témoignages de jeunes victimes d’abus. “Un long travail d’enquête autour du virtuel, du metaverse, des jeux vidéo en ligne”, affirme-t-elle. La mise en scène enchaîne les références variées: music-hall, utilisation d’écrans, tablées, entrées et sorties, danse.
Après une première partie presque réaliste, d’immenses monticules de poudre blanche sont parsemés sur scène, évoquant la coke… ou le sugar. Le rythme mime celui de l’enlisement crescendo de l’emprise de l’homme sur la jeune fille, le virtuel n’est jamais loin, profondément réel et perturbant. Jusqu’à la fin, cathartique et esthétique. Daddy, c’est une pièce sur le pouvoir, la prédation d’une classe sur une autre, les injonctions. Et sur le monde virtuel dans ce qu’il a de plus concret et abject. Puis, à la fin, on pourrait dire que ça se termine presque plutôt bien. Morale mise à part. Bref, Daddy, c’est une claque, et puis c’est tout.
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