Critique scènes: Tous tomberont non sans avoir essayé
S’inspirant de Don Quichotte, le collectif Le Colonel Astral célèbre les ratés, composant Todos caerán comme un tableau que l’on efface et redessine sans cesse. Déroutant.
Sur le large plateau de la Balsamine, dans un décor de bric et de broc, trois comédiens (Marie Bos, Estelle Franco et Francesco Italiano) surprennent un curieux personnage (Renaud Cagna). Comme tout droit sorti d’un institut psychiatrique, il prétend être Don Quichotte, mais point celui du XVIIe siècle, plutôt un contemporain qui aurait pour Dulcinée, nul autre qu’Andy Warhol ! « À partir de ce moment -écoutez-moi bien- à partir de ce moment, aucun d’entre vous ne pourra continuer à jouer s’il n’a pas d’abord juré qu’il n’y a pas d’artiste plus illustre, incomparable, brillant et immortel qu’Andy Warhol! » Et fort de cette affirmation, le voilà parti sur les traces de l’artiste, casserole sur la tête et brouette pour seule Rocinante. Et le trio de départ de se mettre en route avec lui, tels des Sancho Panza.
D’absurde, la deuxième création du collectif Le Colonel Astral n’en manque certainement pas, s’engageant dans un road trip aux voies multiples, aux glissements étranges et inattendus. L’expérience est mentale autant que physique. Quitte à se sentir perdus dans cette narration sans cesse renouvelée, on retient quelques solides scènes assez drôles sur l’art contemporain et le tempérament tournoyant du quatuor dans la mise en scène inventive de Guillemette Laurent. À la faveur d’un objet trouvé dans le décor, la scène, le ton, et le propos se renouvellent sans cesse.
Labyrinthe fou
Ne jamais cesser de se réinventer. Le Colonel Astral en a fait son credo (déjà au coeur de son premier spectacle Nasha Moskva s’inspirant librement de Tchekhov), osant questionner le droit à l’échec, à celui de se remettre en jambes quoiqu’il arrive. « Todos caerán« , tous tomberont, titre-t-il cette fois sa création. En plus du jalon littéraire espagnol, la bande a trouvé matière à inspiration dans la visite d’un hôpital psychiatrique italien celui qui a accueilli dans ses murs Fernando Oreste Nannetti, qui a gravé sur les murs de sa cellule sa correspondance avec les astres. Il s’était lui-même autoproclamé « Colonel Astral ».
Déroutant, Todos caerán n’a pas manqué de nous égarer dans son labyrinthe fou (la narration irrégulière est revendiquée par le collectif), mais nous a réservé un évident plaisir de jeu de la part des comédiens ainsi que de belles images comme cette jolie scène de « tournage » de cinéma. Une expérience scénique comme seul le laboratoire qu’est la Balsamine peut nous en réserver.
Todos caerán, par le Colonel Astral, mise en scène de Guillemette Laurent. Jusqu’au 26 février à la Balsamine, Schaerbeek. www.balsamine.be
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